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RAPPORT 2021 SUR LES DROITS DE LA PERSONNE – CAMEROUN

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juin 6, 2022

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

Le Cameroun est une république à régime présidentiel fort. Le président détient le pouvoir sur les organes législatif et judiciaire du gouvernement. Le parti politique au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, est au pouvoir depuis sa création en 1985. Le pays a tenu des élections législatives en février 2020, qui ont été entachées d’irrégularités. Le parti au pouvoir a remporté 152 des 180 sièges à l’Assemblée nationale. Paul Biya est président depuis 1982. Il a été réélu la dernière fois en 2018 à l’issue d’élections entachées d’irrégularités.

La police nationale et la gendarmerie nationale sont responsables de la sécurité intérieure. La police relève de la Délégation générale à la sûreté nationale et la gendarmerie du secrétaire d’État à la Défense (SED). Placée sous la responsabilité du ministre délégué à la Présidence chargé de la défense, l’armée a certaines responsabilités dans le domaine de la sécurité intérieure. Le bataillon d’intervention rapide est placé sous l’autorité directe du président. Les autorités civiles et militaires n’ont pas assuré un contrôle efficace des forces de sécurité. Des signalements crédibles ont fait état de nombreuses exactions par des éléments de ces forces.

Le nombre de victimes a augmenté dans le contexte de la crise anglophone des régions Nord-Ouest et Sud-Ouest. Les engins explosifs improvisés utilisés par les séparatistes anglophones ont fait davantage de dégâts. L’État islamique en Afrique occidentale (EI-AO) a intensifié ses attaques dans la région de l’Extrême-Nord. Le gouvernement a continué de réprimer le Mouvement pour la reconnaissance du Cameroun, parti de l’opposition, et en décembre, plusieurs de ses membres ont été condamnés à des peines allant d’un an à sept ans de prison à la suite des manifestations de 2020.

Des signalements crédibles faisaient état, entre autres, des problèmes importants suivants dans le domaine des droits de la personne : exécutions illicites ou arbitraires, y compris des exécutions extrajudiciaires par le gouvernement et des groupes armés non étatiques ; disparitions forcées par le gouvernement ; torture et châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par le gouvernement et des groupes armés non étatiques ; conditions très dures et délétères dans les prisons ; arrestations ou détentions arbitraires ; prisonniers ou détenus politiques ; graves problèmes d’indépendance du système judiciaire ; ingérence arbitraire ou illégale dans la vie privée ; peines infligées aux membres de la famille d’une personne accusée d’un délit ; violations graves durant un conflit, y compris des enlèvements et le recrutement et l’emploi illégal d’enfants soldats par des groupes armés non étatiques ; graves restrictions de la liberté d’expression et des médias, y compris violences, menaces de violences ou poursuites ou arrestations injustifiées de journalistes, censure et existence de lois pénales sanctionnant la diffamation ; atteintes importantes à la liberté de réunion et d’association pacifiques, notamment des lois excessivement restrictives imposées à l’organisation, au financement ou au fonctionnement d’organisations non gouvernementales ou de la société civile ; graves restrictions de la liberté de circulation ; incapacité des citoyens de changer leur gouvernement de manière pacifique par le biais d’élections libres et équitables ; restrictions graves et déraisonnables imposées à la participation politique ; actes de corruption graves dans le secteur public ; absence d’enquêtes et de poursuites en matière de violences sexistes ; traite des personnes ; crimes impliquant des violences ou menaces de violences ciblant des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers et intersexes ; et existence ou usage de lois pénalisant les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe.

Si les pouvoirs publics ont pris certaines mesures pour identifier les agents de l’État responsables de violations des droits de la personne ou d’actes de corruption, mener des enquêtes sur eux, les traduire en justice et les sanctionner, ils ne l’ont pas fait systématiquement et ont rarement mené des procédures publiques. L’impunité demeurait un grave problème.

Des séparatistes anglophones armés, Boko Haram et l’État islamique en Afrique occidentale ainsi que des bandes criminelles ont également commis des violations des droits de la personne, dont certaines ont fait l’objet d’enquêtes par le gouvernement.

Section 1. Respect de l’intégrité de la personne

a. Privation arbitraire de la vie et autres exécutions extrajudiciaires ou à motivations politiques

De nombreux signalements ont indiqué que le gouvernement ou ses agents commettaient des exécutions arbitraires et illégales du fait d’un usage excessif de la force dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Comme l’année précédente, la plupart de ces exécutions étaient en lien avec la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (voir également la section 1.g., Violences et exactions dans les conflits internes).

Le ministère de la Défense, par le biais du secrétaire d’État à la défense (SED) en charge de la Gendarmerie nationale, est responsable d’enquêter sur les exécutions extrajudiciaires attribuées aux forces de sécurité, notamment commises par la police, pour déterminer si elles sont justifiables. Dans le cadre de ces affaires, les poursuites sont menées au travers du Tribunal militaire. Dans certaines affaires notoires, les enquêtes préliminaires sont confiées à une commission mixte d’enquête, dont certains membres sont des civils qui possèdent le parcours professionnel pertinent.

Le 10 janvier, selon plusieurs sources crédibles, notamment Reuters, le Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale, Reach Out Cameroon (une ONG établie à Buéa) et la Cameroon News Agency, des soldats ont mené un raid offensif à Mautu, village de l’arrondissement de Muyuka, dans la région Sud-Ouest, faisant neuf morts parmi les civils, notamment un enfant et une femme âgée ; aucun n’était affilié à une organisation séparatiste, quelle qu’elle soit. Trois témoins ont rapporté à Reuters que des soldats avaient fait des descentes dans des domiciles privés et abattu des civils alors qu’ils couraient se mettre à l’abri. Reach Out Cameroon, ONG basée dans la région du Sud-Ouest, a identifié les victimes. Il s’agissait de : Takang Anyi Roger (20 ans), Tambe Daniel, Shey Keisa (6 ans), Obenegwa David (30 ans), Egoshi Lucas (25 ans), Takang Bruno (22 ans), Ndakam Pascal (22 ans), Tambe Ann (50 ans) et Ngoto Valentine Akama (32 ans). Le porte-parole du ministère de la Défense, Cyrille Serge Atonfack Guemo, a reconnu dans un communiqué de presse en date du 11 janvier que des soldats du 21e bataillon d’infanterie motorisé avaient mené une opération préventive contre des postes terroristes à Mautu, sans admettre toutefois qu’ils aient tué des civils. Il a déclaré que les soldats avaient essuyé des tirs nourris et riposté de manière appropriée afin de neutraliser certains des terroristes.

Plusieurs organes de presse ont rapporté que le 23 janvier, des agents de sécurité avaient tué quatre adolescents non armés dans le lieu-dit Meta Quarter de la ville de Bamenda, dans la région du Nord-Ouest, des noms de Sale Saddam et Aloysius Ngalim, tous deux âgés de 16 ans, ainsi que Blaise Fon et Nelly Mbah, âgés de 17 ans. Dans un communiqué de presse le 27 janvier, le porte-parole du ministère de la Défense, Cyrille Serge Atonfack Guemo, a déclaré que des soldats de la cinquième région de gendarmerie avaient fait une descente au lieu-dit Meta Quarter pour appréhender des séparatistes regroupés dans un bâtiment abandonné qui prévoyaient un assaut contre un poste de police non loin de là. Il a ajouté que les séparatistes avaient ouvert le feu sur les soldats à l’approche de leurs véhicules et qu’au cours de l’affrontement qui s’est ensuivi, les forces de sécurité avaient tué quatre séparatistes, en avaient blessé plusieurs autres en fuite, et récupéré de grandes quantités d’armes. Le 25 janvier, le journal Guardian Post a rapporté que des résidents avaient identifié deux des garçons comme des élèves du lycée bilingue de Down-Town Bamenda et affirmé catégoriquement que les adolescents n’étaient pas armés et n’avaient rien à voir avec le conflit en cours dans les régions anglophones.

Dans un rapport publié le 2 août, HRW a dénoncé les exactions commises par l’armée et les séparatistes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. L’organisation a rapporté que les 8 et 9 juin, des membres des forces de sécurité avaient tué deux civils et violé une femme de 53 ans dans la région du Nord-Ouest. Des rescapés et des témoins auraient dit à HRW que le 9 juin, au petit-matin, environ 150 membres des forces de sécurité issus de l’armée et du BIR (bataillon d’intervention rapide) avaient mené une opération dans le village de Mbuluf et ses environs. Les rescapés auraient indiqué à HRW que les forces de sécurité avaient arrêté pour les interroger les six personnes de leur groupe – un mari et son épouse, leurs deux enfants, un autre homme et une autre femme – à proximité du village. Ils ont remis l’ensemble du groupe en liberté à Mbah, sauf le mari de la femme qui aurait été violée. Le 11 juin, son cadavre a été retrouvé avec de nombreuses blessures par balles dans le village de Tatum, à environ 30 kilomètres de Mbah.

Le 8 juin, à environ 19h, dans le village de Gom, dans la région du Nord-Ouest, deux soldats en civil, qu’un témoin a reconnus comme étant des militaires de la base militaire de Gom, ont fait irruption au domicile du fon, figure d’autorité traditionnelle locale, et passé à tabac un homme de 72 ans. À environ 19h30, ils ont interrogé puis tiré sur Lydia Nwang, une femme âgée de 60 ans, dans la jambe droite, après qu’elle n’a pu fournir d’informations sur un combattant séparatiste. Ils ont ensuite forcé l’homme de 72 ans et sa femme à transporter Lydia Nwang en direction de la base militaire de Gom pour un interrogatoire. Celle-ci a été transportée jusqu’à un pont à environ deux kilomètres de chez elle, où elle a été abattue par les soldats. Ses proches ont récupéré son corps sur le pont le lendemain matin. HRW a indiqué avoir, le 15 juillet, transmis par courrier électronique ses conclusions au porte-parole du ministère de la Défense, Cyrille Serge Atonfack Guemo, en lui posant des questions spécifiques, mais à la publication de ses conclusions, le courrier était resté sans réponse. Dans une déclaration en date du 5 août, M. Atonfack Guemo qualifiait les informations contenues dans le rapport de HRW de fausses et sans fondement.

Selon l’ONG Un monde avenir, Juste Magloire Tang Ndjock est décédé dans la nuit du 20 au 21 juillet dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Pouma après avoir été passé à tabac par les autorités. Il y avait été convoqué à la suite du dépôt d’une plainte. Le gendarme Marshal Okala avait ordonné son arrestation en raison d’un défaut de comparution. Fin décembre, sa dépouille et les conclusions du rapport d’autopsie n’avaient pas été remis à la famille du défunt.

Le soir du 13 février, selon plusieurs sources crédibles, un groupe de séparatistes armés a attaqué le village d’Essoh-Attah, dans le département du Lebialem, dans la région du Sud-Ouest, tuant quatre civils, dont trois chefs traditionnels des noms de Benedict Fomin, Simon Forzizong et Peter Fualeasuoh. Selon le ministre délégué en charge de la planification au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Paul Tasong, le groupe, mené par Oliver Lekeaka alias « Field Marshal », a pris d’assaut le village d’Essoh-Attah, extrait les chefs traditionnels de leurs domiciles et les ont abattus sur la place du marché avant de jeter leurs cadavres près d’un cours d’eau. Le ministre a ajouté que les séparatistes les avaient accusés de refuser de leur remettre les bénéfices de la vente de la saison 2020-2021 de cacao et d’avoir organisé des écoles dans la communauté. D’autres rapports laissaient entendre que les séparatistes avaient également accusé leurs victimes d’avoir participé aux élections régionales de décembre 2020. Entre le 6 et le 7 juillet, le fon de Baforkum, dans la région du Nord-Ouest, a été, pour la deuxième fois en moins de 60 jours, enlevé par des individus soupçonnés d’être des combattants séparatistes alors qu’il était dans son palais ; le 8 juillet, son corps a été découvert près d’un ruisseau.

Le 15 juin, des séparatistes ont enlevé six délégués départementaux à Ekondo-Titi, dans la région du Sud-Ouest. Le 18 juin, le cadavre de Mabia Johnson Modika, délégué départemental du ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, a été découvert par des habitants. HRW a indiqué que le 1er juillet, à environ 19h30, deux individus soupçonnés d’être des combattants séparatistes avaient tué Fuh Max Dang, professeur de physique au lycée gouvernemental bilingue de Kumba, dans la région du Sud-Ouest, après avoir fait irruption chez lui. Un parent du défunt aurait dit à HRW que les combattants séparatistes l’avaient déjà menacé, le prévenant des conséquences s’il continuait d’enseigner. Fin décembre, on ne savait pas ce qu’il était advenu des cinq autres délégués.

Le 14 juillet, des séparatistes à moto en tenue militaire ont tué deux agents de sécurité au poste de contrôle de Babadjou, dans la région de l’Ouest. Le 18 juillet, selon plusieurs sources, des séparatistes ont tué cinq policiers à Bali, dans le département de Mezam, dans la région du Nord-Ouest. L’attentat s’est produit à un poste de contrôle de sécurité, où des séparatistes ont fait exploser un engin explosif improvisé près d’un véhicule de police après avoir ouvert le feu sur ses passagers. L’attentat a été revendiqué par un groupe d’hommes armés dans une vidéo où ils s’identifiaient comme les « Bali Buffaloes » (buffles de Bali). Le 19 juillet, moins de 24 heures après l’attentat de Bali, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montrait des séparatistes en train de démembrer un agent de sécurité, Patrick Mabenga.

Boko Haram et l’État islamique en Afrique en Afrique occidentale (EI-AO) ont continué de tuer des civils, notamment des membres des comités de vigilance, qui sont des groupes organisés d’habitants qui coopèrent avec les forces gouvernementales dans l’Extrême-Nord. Le 5 avril, HRW a signalé que depuis décembre 2020, Boko Haram avait intensifié ses attaques contre les civils dans les villes et villages de l’Extrême-Nord, tuant au moins 80 civils. Selon l’ONG, des kamikazes de Boko Haram ont fait exploser des civils qui prenaient la fuite ; des dizaines de pêcheurs locaux ont été tués à la machette et au couteau et un chef de village d’un âge avancé a été tué sous les yeux de sa famille. HRW a également indiqué qu’étant donné qu’il était difficile de confirmer les détails à distance, le nombre effectif de victimes était beaucoup plus élevé, soulignant le fait que certaines attaques n’étaient souvent pas signalées. Fin juillet, l’EI-AO a mené deux attentats contre l’armée dans le département du Logone-et-Chari. Le premier s’est passé le 24 juillet dans la localité de Sagme, dans l’arrondissement de Fotokol. Selon plusieurs sources, huit soldats ont été tués et treize autres blessés au cours de l’attentat. Selon l’ONG Stand Up for Cameroon, des individus soupçonnés d’être affiliés à Boko Haram ont tué au moins 27 personnes en novembre et décembre.

Bien que les pouvoirs publics aient promis à de multiples reprises d’enquêter sur les exactions commises par les forces de sécurité, cela n’a pas été fait de façon transparente ou systématique. À la suite de la publication en avril 2020 d’un résumé des conclusions d’une enquête sur le meurtre en février 2020 d’environ 23 civils par des forces de sécurité dans le village de Ngarbuh, le procès de trois membres des forces de sécurité, 17 membres d’un comité de vigilance et un ancien combattant séparatiste, accusés de meurtre, a commencé en juin au tribunal militaire de Yaoundé, après plusieurs reports. Fin décembre, seuls trois des accusés s’étaient présentés au tribunal.

b. Disparitions

Comme l’année précédente, on estimait que les forces de sécurité gouvernementales étaient responsables des disparitions forcées de séparatistes soupçonnés et de leurs partisans. Des avocats des droits de la personne ont documenté les affaires d’Onyori Mukube Onyori et d’Ernest Mofa Ngo, dont on pensait que les enlèvements avaient été orchestrés sur ordre des autorités. À la suite de l’attentat contre l’Académie internationale bilingue Mère Francisca, à Kumba, dans la région du Sud-Ouest, ces deux hommes, qui jouaient aux cartes dans le couloir de leur maison, en novembre 2020, ont été enlevés et emmenés dans un endroit inconnu. Après des mois d’enquête, des avocats ont découvert fin avril qu’ils étaient détenus à la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), un service de renseignement, à Yaoundé. Ils ont rapporté que M. Mofa Ngo avait été libéré par la suite dans des circonstances pour le moins obscures, mais en décembre, M. Mukube était toujours en détention.

En décembre, il n’avait pas été signalé d’évolution concernant l’enquête notoire sur la mort d’un journaliste de télévision, Samuel Abue Adjiekha, dit Wazizi, détenu en août 2019 après avoir été accusé par les autorités d’entretenir des liens avec des séparatistes armés. En août 2019, il a été transféré à Buéa dans un établissement administré par l’armée et n’est jamais comparu devant le tribunal, malgré plusieurs audiences prévues. Selon le ministère de la Défense, il est décédé en garde à vue policière d’une grave septicémie, dix jours après son arrestation en 2019. Bien qu’il ait été officiellement déclaré mort en juin 2020, sa famille n’avait toujours pas pu voir ou récupérer sa dépouille, plus d’un an après l’annonce officielle de son décès.

Il n’avait pas été signalé d’évolution concernant la disparition soupçonnée du militant des droits de la personne Franklin Mowha, président de l’ONG Frontline Fighters for Citizen Interests, disparu après avoir quitté sa chambre d’hôtel en 2018 alors qu’il était en mission de surveillance des violations des droits de la personne à Kumba, dans la région du Sud-Ouest. Malgré plusieurs appels à une enquête sur sa disparition par des organisations de défense des droits de la personne, plus de trois ans plus tard, le gouvernement n’avait pas pris de mesures. M. Mowha a mis en exergue et dénoncé les violations dont se sont rendus coupables des individus associés au gouvernement, et les autorités l’avaient déjà détenu plusieurs fois.

Le 13 octobre, Amungwa Nde Ntso Nico, l’un des avocats qui représentent le dirigeant séparatiste Sisuku Julius Ayuk Tabe et 47 autres personnes arrêtées en 2017 en lien avec la crise anglophone, a déclaré à la communauté internationale que des membres des forces de sécurité gouvernementales avait emmené trois de ses clients, Tebid Tita, Hamlet Acheshit et John Fongue, de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé sans autorisation officielle et les détenaient au secret dans le bunker du Service central des recherches judiciaires (SCRJ). Le 15 octobre, avec des membres de l’équipe de défense des accusés, il a annoncé au public qu’il s’était entretenu avec le procureur de la République au tribunal militaire de Yaoundé, qui lui avait dit que les détenus avaient été transférés au SCRJ, au SED. Il a déclaré qu’après la réunion, il s’était rendu au SCRJ, mais que ses clients ne figuraient pas sur la liste des prisonniers. Il a indiqué par la suite qu’il avait pu rendre visite aux trois détenus, qui, tous en très mauvaise santé, avaient déclaré avoir été maltraités et forcés à signer un document en l’absence de leur avocat. Tita, Acheshit et Fongue, en détention depuis 2017, n’avaient toujours pas été officiellement condamnés, malgré plusieurs comparutions devant le tribunal militaire.

Le 15 juin, des séparatistes ont enlevé six délégués départementaux à Ekondo-Titi, dans la région du Sud-Ouest. Par la suite, l’un d’entre eux a été tué (voir également la section 1.a.), et fin décembre, les cinq autres étaient toujours portés disparus.

c. Torture et autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Bien que la Constitution et la loi interdisent ces pratiques, certaines sources ont signalé que les forces de sécurité avaient torturé des civils, notamment des combattants séparatistes, leurs partisans soupçonnés et des opposants politiques, ou leur avaient infligé d’autres mauvais traitements. Des organisations de défense des droits de la personne ont documenté plusieurs cas dans lesquels les forces de sécurité avaient infligé de graves sévices à des combattants séparatistes, ainsi que d’autres dans lesquels des séparatistes armés avaient commis des exactions à l’encontre de civils et de membres des forces de défense. Des responsables publics ou des personnes agissant sur leurs ordres auraient accompli des actes causant des traumatismes physiques, mentaux et émotionnels graves.

Le 13 février, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux et les journaux télévisés montraient une unité mixte de forces de défense gouvernementales en train d’infliger des sévices à un civil, l’interrogeant en français et en pidgin anglais, versant de l’eau sur lui et le frappant à la machette jusqu’à ce qu’il perde conscience. La vidéo montrait les autorités exigeant de l’homme qu’il révèle où se trouvait son frère, dont elles pensaient qu’il était combattant séparatiste. Dans un communiqué de presse publié le 15 février, le porte-parole du ministère de la Défense, Atonfack Guemo, reconnaissait que l’incident s’était produit l’après-midi du 11 février à Ndu, dans le département du Donga-Mantung, dans la région du Nord-Ouest. Il ajoutait que les enquêtes préliminaires avaient identifié la victime, du nom de Jean Fai Fungong, soupçonné d’être un criminel et un séparatiste. Il indiquait également que le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense, Joseph Beti Assomo, avait ordonné l’arrestation immédiate de deux soldats, deux gendarmes et quatre policiers soupçonnés d’être responsables de ces sévices pour les placer en détention à la brigade de gendarmerie territoriale de Ndu dans l’attente des résultats de l’enquête complète. Fin décembre, les autorités n’avaient pas publié d’informations concernant ces résultats, et rien n’indiquait que l’affaire avait fait l’objet d’une enquête complète (voir également la section 1.a.).

Le 21 septembre, plusieurs vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux, montant un civil frappé à la machette par des gendarmes. Dans un communiqué de presse, le ministère de la Défense a indiqué qu’une enquête complète sur l’affaire serait menée, ajoutant que les auteurs des sévices, qui se sont produits dans la nuit du 16 septembre dans une gendarmerie de Yaoundé, avaient été identifiés et feraient l’objet de sanctions disciplinaires et judiciaires. Fin novembre, le ministère de la Défense n’avait pas fait le point sur l’affaire.

Selon l’ONG Un monde avenir, un commerçant du nom de Bertin Nzimou est décédé pendant sa garde à vue à la gendarmerie le matin du 18 novembre, quelques heures après avoir été libéré de sa garde à vue au poste de police, où il avait été convoqué à la suite d’un différend avec son voisin. La grave agression et le traitement dégradant dont il a été victime pendant sa détention le soir du 17 novembre dans un poste de police du 9e arrondissement, dans la région du Littoral, auraient causé son décès.

Selon le portail en ligne de l’ONU Déontologie en missions de terrain, il y a eu au cours de l’année trois affaires d’accusations d’exploitation sexuelle et d’exactions formulées à l’encontre de soldats de la paix camerounais déployés par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), après six allégations en 2020. Fin décembre, les enquêtes menées par le bureau des services de contrôle interne de l’ONU sur l’ensemble des allégations au cours de l’année étaient toujours en cours. Il y avait également, datant des années précédentes, 26 autres affaires en cours d’enquête pour des accusations d’exploitation sexuelle et d’exactions formulées à l’encontre de soldats de la paix camerounais déployés par des missions de maintien de la paix de l’ONU remontant à jusqu’à 2017. Huit des affaires en cours concernaient des viols de mineurs. L’une des affaires concernait plusieurs allégations : le viol d’un mineur à quatre reprises et deux cas de relations d’exploitation avec un adulte. Une autre affaire en cours concernerait le viol par deux soldats de la paix de deux enfants et une relation d’exploitation avec un adulte.

Des informations relayées par des organisations crédibles et des éléments de preuve anecdotiques laissaient entendre qu’il existait des cas de viol et d’agression sexuelle par des personnes liées au gouvernement dans le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et d’autres régions du pays. Des ONG ont également indiqué que des séparatistes armés s’étaient rendus coupables d’agressions sexuelles dans les deux régions susmentionnées (voir également la section 1.g., Mauvais traitements, sanctions et torture). Le 13 février, l’ONG Mandela Center International a publié un communiqué de presse pour dénoncer le viol en bande en décembre 2020 d’une mineure de 16 ans par l’inspecteur de police Rémy Gaëtan Eba’a Ngomo et ses collègues. Selon les rescapés et les organisations de la société civile faisant rapport sur l’affaire, l’inspecteur, qui était de service au commissariat de sécurité publique de Ntui, a forcé l’adolescente et un camarade à le suivre. Une fois au commissariat, il les a forcés à avoir un rapport sexuel en plein air. Après avoir chassé le jeune homme, il a invité ses collègues, notamment quelqu’un qu’il a présenté comme étant son chef, à violer la jeune fille. Il a ensuite remis mille francs CFA (soit 2 dollars des États-Unis) à la rescapée, la menaçant de la tuer si elle révélait ce qui lui était arrivé. Le père de celle-ci a déposé, en vain, une série de plaintes, auprès d’abord du délégué régional de la sécurité nationale de Ntui, puis du procureur de la République de la ville. Il a également déposé une autre plainte auprès de la division régionale de la police judiciaire de Yaoundé. Début octobre, l’affaire était en instance entre les mains du procureur. Selon certaines sources, l’inspecteur de police était en détention, mais en décembre, cette information n’avait pas été confirmée de manière indépendante.

En mai, Reach Out Cameroon a publié son rapport sur la situation des droits de la personne et les incidents en la matière pour la période allant de janvier au 31 mars. L’ONG signalait dans son rapport que le 21 janvier, des combattants séparatistes avaient attaqué, volé et violé en bande une jeune femme à Nkwen, à Bamenda 3, dans la région du Nord-Ouest. La rescapée aurait dit à Reach Out qu’elle rentrait d’une fête accompagnée de sa tante quand des hommes armés l’ont agressée à l’entrée de son quartier et traînée dans un buisson non loin de là pour l’y violer.

Si certaines enquêtes et poursuites étaient menées et quelques sanctions prononcées, l’impunité demeurait problématique. Rares étaient les signalements de procès qui concernaient le commandement. La Délégation générale à la sûreté nationale et le secrétaire d’État à la Défense (SED) chargé de la gendarmerie ont enquêté sur certaines exactions. Le gouvernement a infligé des sanctions à des délinquants de bas niveau reconnus coupables, et en fin d’année, d’autres enquêtes étaient en cours. Le procès de quatre soldats et 17 membres de comités de vigilance accusés d’avoir aidé des forces de défense régulières à perpétrer le massacre de Ngarbuh en février 2020 s’est poursuivi au tribunal militaire de Yaoundé, mais en décembre, seulement trois des accusés, tous membres des forces de défense et de sécurité, avaient comparu devant le tribunal.

Conditions dans les prisons et les centres de détention

Les conditions de détention étaient dures et délétères à cause de pénuries alimentaires et de la nourriture de mauvaise qualité, d’une surpopulation extrême, d’agressions physiques ainsi que de conditions d’hygiène et de soins médicaux insuffisants.

Conditions matérielles : La surpopulation est demeurée endémique dans la plupart des prisons, surtout celles des grands centres urbains.

Les prisonniers étaient incarcérés dans des prisons délabrées qui dataient de l’ère coloniale. Les autorités enfermaient souvent dans une même cellule des prévenus en attente de procès et des prisonniers condamnés. Dans certains cas, les conditions de détention étaient meilleures pour les femmes incarcérées, avec des toilettes améliorées et des cellules moins peuplées. Il y avait généralement dans les prisons des quartiers distincts pour les femmes, les hommes et les enfants. Les autorités ont affirmé que les détenus malades étaient tenus à l’écart du reste de la population carcérale, mais ce n’était souvent pas le cas.

Les conditions étaient pires dans les cachots des gendarmeries et des postes de police. Les cellules étaient en général très étroites et la plupart ne disposaient pas de toilettes ni de fenêtres. Elles manquaient quasiment toutes de couchettes. Contrairement aux prisons, qui disposaient de quartiers distincts pour les femmes, les hommes et les enfants, les cellules des gendarmeries et des postes de police ne séparaient pas systématiquement les détenus en fonction de leur âge et de leur sexe. Les estimations prudentes de la Commission des droits de l’homme du Barreau du Cameroun indiquaient que les prisons du pays pouvaient accueillir 17 915 prisonniers. En septembre, la population carcérale totale était de 31 815 personnes, soit un taux d’occupation de 177 % supérieur à la capacité maximale. En octobre, les prisons de la région du Littoral, qui avaient une capacité maximale de 1 550 personnes, affichaient une population carcérale de 4 639 prisonniers, soit un taux d’occupation de 299 % supérieur à la capacité maximale.

L’accès à la nourriture et à l’eau, les installations sanitaires, le chauffage et l’aération, l’éclairage et les soins médicaux étaient insuffisants. De ce fait, la malnutrition, la tuberculose, la bronchite, le paludisme, l’hépatite, la gale et de nombreuses autres maladies curables, notamment les infections, étaient très répandues. Le non-respect des règles minima pour le traitement des détenus a causé au moins deux décès pendant l’année. Selon des informations crédibles, notamment par le Mandela Center, André Youmbi est décédé le 25 avril à la prison centrale de Bafoussam, dans la région de l’Ouest, après 43 mois de détention. Malade, il avait demandé à être traité dans un établissement de santé approprié. Les juges responsables de son dossier avaient estimé que la nature des infractions qu’il aurait commises plaidait contre sa remise en liberté provisoire. Le président de la Cour d’appel de l’Ouest en aurait rejeté la demande le 23 avril. M. Youmbi est retourné en prison le jour-même et est décédé deux jours plus tard.

Plusieurs organisations ont signalé que le 3 mai, Jean Louis Tiotsop, qui était en mauvaise santé et en attente de son procès pour vente illicite de médicaments, était décédé à la prison de Foumbot, dans la région de l’Ouest. Le procureur dans le cadre de l’affaire, M. Ombouda, aurait refusé de le libérer pour se faire soigner, comme l’accorde la loi. Selon des informations ponctuelles, M. Tiotsop aurait tenté plusieurs fois d’interjeter appel auprès des tribunaux pour se faire soigner, en vain. L’administration pénitentiaire aurait également soutenu sa demande, en vain. À l’annonce de son décès, une émeute a éclaté, mis à feu le palais de justice de Foumbot et fait au moins un autre mort le 3 mai, selon des informations.

Des violences physiques des gardiens de prison envers les détenus et entre les détenus eux-mêmes se sont produites au cours de l’année. Des violences entre prisonniers étaient signalées dans quasiment toutes les prisons. Dans un message du 30 août sur Facebook, dont le contenu a été confirmé par les avocats du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), un lanceur d’alerte a partagé la plainte d’un détenu non identifié appartenant au MRC. Celui-ci affirmait que les détenus appartenant au MRC avaient été agressés dans leurs cellules à la prison centrale de Yaoundé, le 27 août, à l’extinction des feux, sur ordre des autorités carcérales. Selon le compte Facebook, Henry Etchome Misse, chef du bureau de discipline de la prison, était à la tête d’un groupe de prisonniers non identifiés qui a agressé les détenus appartenant au MRC, à qui de l’argent et des objets précieux ont été dérobés.

Administration : Les autorités n’auraient pas donné suite à toutes les accusations crédibles de mauvais traitements. Ainsi, les détenus appartenant au MRC ont indiqué avoir été agressés à plusieurs reprises dans leurs cellules par d’autres prisonniers, mais que les responsables carcéraux s’y montraient indifférents et ne leur permettaient pas d’exprimer leurs griefs. Les visiteurs devaient obtenir une autorisation officielle du procureur de la République pour communiquer avec des détenus, faute de quoi ils devaient verser des pots-de-vin au personnel pénitentiaire. Alors que les visites dans les prisons continuaient dans l’ensemble d’être limitées conformément aux restrictions en lien avec la pandémie de COVID-19, les détenus politiques auraient été soumis à des restrictions plus strictes.

Surveillance indépendante : La surveillance indépendante des prisons a été limitée en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19. Les missions diplomatiques se sont vu accorder l’accès à leurs ressortissants ; en revanche, le gouvernement a refusé aux organisations de défense des droits de la personne la possibilité d’inspecter les conditions carcérales. L’ONG Human Is Right, établie à Buéa, a signalé quelques visites dans les prisons dans la région du Sud-Ouest. La Fédération internationale de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture Littoral a également effectué des visites dans les prisons, principalement à Edéa et Mbanga, dans la région du Littoral. D’autres ONG, notamment Nouveaux droits de l’homme, REDHAC (Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale) et la Commission diocésaine Justice et Paix de Yaoundé ont également effectué des visites dans les prisons, mais avec un accès limité.

Améliorations : En décembre, la nouvelle prison centrale de Douala-Ngoma, dont la construction aurait été achevée en 2020, n’était toujours pas fonctionnelle. Elle était censée aider à gérer le problème de la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de vie des prisonniers à la prison centrale de New Bell, à Douala. Selon certaines sources, fin décembre, le nouvel établissement manquait toujours d’équipement et nécessitait d’autres travaux avant de pouvoir accueillir des détenus.

d. Arrestations ou détentions arbitraires

La Constitution et la loi interdisent les arrestations et les détentions arbitraires et accordent le droit de contester la légalité d’une arrestation ou d’une détention devant les tribunaux. La loi dispose que, sauf en cas de crime ou de délit en flagrance, les agents de l’État procédant à une arrestation doivent décliner leur identité et informer le détenu du motif de son arrestation. Toute personne détenue illégalement par la police, le procureur général ou le juge d’instruction a droit à un dédommagement. Le gouvernement n’a pas toujours respecté ces dispositions.

Procédures d’arrestation et traitement des personnes en détention

La loi exige des forces de l’ordre qu’elles obtiennent un mandat d’arrêt d’un juge ou d’un procureur avant de procéder à une arrestation, sauf en cas de flagrant délit, mais la police n’a souvent pas respecté cette condition. La législation prévoit que les suspects soient présentés promptement à un juge ou un procureur, mais ce n’était souvent pas le cas et des citoyens étaient arrêtés sans autorisation judiciaire. La police peut détenir légalement des personnes impliquées dans des infractions de droit commun pendant 48 heures, renouvelables une fois. Dans des circonstances exceptionnelles et sur approbation écrite du procureur de la République, ce délai peut être renouvelé deux fois avant la mise en accusation. Cependant, la police et les gendarmes auraient souvent dépassé ces durées de détention. La loi autorise également la détention sans mise en accusation par les autorités administratives, telles que les gouverneurs et les autorités civiles territorialement compétentes, pendant des périodes renouvelables de 15 jours. La législation prévoit aussi que les personnes arrêtées pour des soupçons de terrorisme et certains autres crimes peuvent être détenues pendant une durée de 15 jours, renouvelable indéfiniment moyennant une autorisation du parquet. La loi prévoit également que les détenus doivent avoir accès à un avocat et aux membres de leur famille, droits qui leur ont souvent été refusés par la police. Si la mise au secret est illégale, il y a eu des cas de ce type, surtout en lien avec la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La loi autorise la mise en liberté sous caution, permet aux citoyens d’interjeter appel afin de récuser les juges et leur accorde le droit de se pourvoir en justice pour arrestation illégale, mais ces droits ont rarement été respectés. La mise en liberté sous caution n’était approuvée que de manière sélective, et les demandes de récusation des juges présentant des conflits d’intérêt aboutissaient rarement, surtout dans les affaires politiquement sensibles.

Arrestations arbitraires : La police, la gendarmerie, les agents du BIR et d’autres autorités gouvernementales auraient continué d’arrêter et de détenir arbitrairement des individus et, souvent, de les maintenir en détention prolongée sans mise en accusation ou sans procès, et parfois au secret. La pratique des « arrestations du vendredi », selon laquelle les personnes arrêtées un vendredi restaient en détention jusqu’au lundi au moins, sauf si elles versaient un pot-de-vin pour être libérées plus tôt, s’est poursuivie, quoique de manière limitée.

Le 31 mai, des gendarmes ont arrêté un avocat, Nicodemus Nde Ntso Amungwa, alors qu’il aidait un client au cours de son interrogatoire à la gendarmerie de Yaoundé. L’adjudant-chef Minlo aurait confisqué le téléphone portable de M. Amungwa sans mandat sous prétexte que ce dernier avait pris des photos de l’établissement. En les recherchant, il est tombé sur d’autres photos qui consignaient les exactions reprochées à l’armée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et a arrêté l’avocat. Ce dernier a été emmené au SED, où il a été détenu pendant 10 jours au SCRJ. Il a d’abord été présenté au commissaire du gouvernement au tribunal militaire de Yaoundé le 3 juin, qui a renvoyé le dossier à l’unité d’enquête. À sa libération, les autorités ont abandonné les accusations retenues contre lui (voir également la section 6, Actes de violence, criminalisation et autres violations basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, notamment les cas de « Shakiro » et « Patricia »).

En septembre 2020, à Douala, les autorités ont arrêté quatre membres du consortium d’ONG Stand Up for Cameroon après une réunion « Friday in Black » organisée au siège du Cameroon People’s Party. Après 15 mois de détention provisoire, le tribunal militaire de Douala les a, le 31 décembre, déclarés coupables d’insurrection et condamnés à 16 mois de prison, sur la base du temps déjà passé en prison. Les quatre individus concernés (Moussa Bello, Étienne Ntsama, Mira Angoung et Tehle Membou) auraient été victimes de traitements violents et interrogés sans la présence d’un avocat. Selon leurs avocats, au 31 décembre, au moins 124 des 500 Camerounais arrêtés en septembre 2020 en lien avec la manifestation prévue du MRC étaient toujours en détention. Quelques-uns des 500 qui avaient été détenus ont été libérés au poste de police, tandis que d’autres ont été poursuivis au civil et condamnés à différentes peines. Les 27 et 28 décembre, le tribunal de Yaoundé a condamné 48 des individus toujours en détention à des peines d’un à sept ans de prison. Ils ont été accusés, entre autres, de rébellion, d’émeutes et d’insurrection et condamnés en l’absence de leurs avocats, qui, en septembre, s’étaient retirés de toutes les procédures en cours afin de dénoncer ce qu’ils qualifiaient de manque d’indépendance des juges. Dans bon nombre de ces affaires, les avocats ont formé un recours en habeas corpus ou demandé aux juges de se récuser des audiences en raison de conflits d’intérêt ou de la perception d’une partialité judiciaire.

Détention provisoire : Si le Code de procédure pénale prévoit une détention provisoire d’une durée maximale de 18 mois, de nombreux détenus attendaient des années avant de comparaître devant un tribunal. La loi antiterroriste de 2014 dispose qu’un suspect peut être détenu aux fins d’enquête pendant une durée indéfinie moyennant l’autorisation du parquet. Selon les estimations de la Commission des droits de l’homme du Barreau du Cameroun, en septembre, 18 437 détenus sur 31 815 étaient en détention provisoire. Certains attendaient leur procès depuis plus de cinq ans. Dans certains cas, la durée de la détention provisoire égalait celle de la peine maximale infligée pour l’infraction reprochée ; dans d’autres, elle la dépassait. Le manque de personnel, la mauvaise gestion des dossiers, l’incapacité à payer les frais de justice et la politisation de certaines procédures judiciaires exigeant des directives du gouvernement central représentaient certains des facteurs qui contribuaient à la longueur des détentions provisoires, mais n’étaient pas les seuls. Des avocats ont signalé une détention provisoire prolongée dans le cadre d’une affaire qu’ils ont surnommée les 37 de Calabar. Cette affaire concernait 37 personnes des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest rapatriées de Calabar, au Nigeria, le même jour que le dirigeant séparatiste Sisiku Ayuk Tabe en 2019. Selon leurs avocats, lors des poursuites contre M. Sisiku et neuf de ses partisans au tribunal militaire de Yaoundé et de leur condamnation à la prison à perpétuité en août 2019, les 37 autres détenus qui ont commencé à comparaître devant le tribunal en octobre 2019 ont vu leur procès reporté sans explication du tribunal.

Le journaliste indépendant Kingsley Fumunyuy Njoka, que des agents de sécurité en civil ont arrêté à Douala en mai 2020, était toujours en détention provisoire. Il aurait été interrogé à propos de ses reportages concernant la crise anglophone et placé en détention provisoire de six mois à la prison centrale de Kondengui, à Yaoundé. Au cours de la session parlementaire du mois de mars, un parlementaire a interrogé sur le statut de son dossier le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense, Joseph Beti Assomo, qui a répondu que le procès commencerait sous peu, sans ajouter de plus amples détails. En juin 2020, M. Njoka a comparu pour la première fois devant le tribunal, mais l’affaire a été reportée. Reporters sans frontières a dénoncé son arrestation et sa détention provisoire, déclarant que les accusations retenues contre lui étaient toujours sans fondement. En octobre, selon l’un des avocats de M. Njoka, l’affaire était toujours devant le commissaire du gouvernement au tribunal militaire et sa garde à vue provisoire de six mois avait été prolongée.

Amadou Vamoulké, l’ancien directeur général de la Cameroon Radio Television (CRTV, Radiodiffusion-télévision du Cameroun), arrêté et détenu en 2016 pour détournement de fonds, attendait toujours son procès à la prison centrale de Kondengui. Après au moins 50 audiences au 26 septembre, le Tribunal criminel spécial n’avait pas, en décembre, pris de décision dans cette affaire.

e. Déni de procès public et équitable

La Constitution et la loi prévoient l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais ce n’était pas toujours le cas. Dans certains cas, l’issue des procès semblait subir l’influence des autorités, surtout lorsqu’il s’agissait de dossiers politiquement sensibles. Malgré l’indépendance partielle du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, le président de la République nomme tous les membres du barreau et du département juridique du pouvoir judiciaire, y compris le président de la Cour suprême ainsi que le président et les membres du Conseil constitutionnel et il peut les relever de leurs fonctions comme il l’entend.

Les tribunaux militaires ont compétence sur des civils pour un large éventail d’infractions, y compris les troubles civils. Les tribunaux militaires avaient de plus en plus souvent compétence sur les manifestations pacifiques que le gouvernement n’avait pas autorisées.

Procédures applicables au déroulement des procès

La Constitution et la loi garantissent le droit à un procès public équitable, tenu dans des délais raisonnables, où l’accusé est présumé innocent. Les autorités n’ont pas toujours respecté la loi, appliquant la présomption d’innocence de manière sélective. Les accusés au pénal ont le droit d’être informés sans retard et en détail des chefs d’accusation qui pèsent contre eux, avec l’assistance d’un interprète fourni gratuitement. Les accusés ont le droit d’être présents à leur procès et de consulter un avocat de leur choix, mais dans de nombreux cas, les autorités n’ont pas respecté ce droit, ont limité l’accès à des avocats, particulièrement dans les affaires de personnes soupçonnées de complicité avec des séparatistes ou des opposants politiques. Lorsque les accusés n’ont pas les moyens de retenir les services d’un avocat pour leur défense, le tribunal peut nommer un avocat d’office aux frais de l’État ; toutefois, ce processus était souvent complexe et long et la qualité de l’aide juridique fournie était médiocre. Les autorités ont généralement autorisé les accusés à interroger les témoins et à présenter des témoins et des preuves à leur décharge, mais elles n’ont pas forcé de témoins à témoigner dans le procès du massacre de Ngarbuh. Dans certains cas liés à la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, des accusés ont signalé que le parquet n’avait pas partagé ses preuves avec la défense et qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de procéder à un contre-interrogatoire des témoins de l’accusation. Les accusés ont le droit de disposer de temps et de moyens suffisants pour préparer leur défense et ne pas être contraints de témoigner ou d’avouer leur culpabilité, mais les autorités ont souvent enfreint ce droit. Les témoignages indirects et anonymes étaient parfois autorisés, particulièrement dans les affaires de terrorisme. Les juges d’instruction essayaient parfois d’inciter les opposants politiques et les séparatistes présumés à s’incriminer. Les accusés ont droit de faire appel jusqu’à la Cour suprême, puis de solliciter une grâce présidentielle.

Les tribunaux limitaient souvent les droits procéduraux dans les affaires politiquement sensibles. Au cours d’une conférence de presse le 9 septembre, le collectif de 60 avocats qui défendait les détenus appartenant au MRC a annoncé sa décision de se retirer des procédures en cours relatives aux 124 autres prisonniers détenus à Bafoussam, Douala, Mfou et Yaoundé, et à ceux dont les appels étaient en attente d’examen. Les avocats ont justifié leur décision en expliquant qu’ils ne pouvaient pas continuer à fournir des services professionnels dans des conditions contraires au serment qu’ils avaient prêté et ne souhaitaient pas être associés à l’arbitraire et l’illégalité. Ils ont déclaré que tous les juges civils, administratifs et militaires chargés des affaires manquaient d’indépendance et d’équité. Selon eux, ces juges bafouaient leur serment de magistrat en refusant systématiquement d’appliquer la loi, ce qui est contraire à la déontologie judiciaire et aux principes de justice en conformité avec les droits de la personne. Me Meli, l’avocat principal, s’exprimant devant les journalistes, a remarqué que toutes les demandes auprès des officiers de la police judiciaire ainsi qu’auprès des juridictions civiles et militaires pour obtenir une mise en liberté d’office, sous caution ou sous garant demeuraient pour la plupart sans réponse ou avaient été tout bonnement rejetées. Il a ajouté qu’il en allait de même pour toutes les demandes d’habeas corpus engagées depuis octobre 2020 visant à faire constater le caractère illicite, illégal et arbitraire des arrestations. Les avocats ont affirmé avoir engagé un total de 279 procédures, toutes rejetées.

Prisonniers et détenus politiques

En décembre, il n’avait pas été signalé de nouveaux détenus politiques. Cependant, au moins 124 des individus associés aux manifestations de septembre 2020 auxquelles avait appelé le MRC, parti de l’opposition, étaient toujours en détention, notamment des personnalités telles que le trésorier du MRC Alain Fogue ainsi qu’Olivier Bibou Nissack, porte-parole de Maurice Kamto, dirigeant du MRC. Comme l’année précédente, les prisonniers politiques ont été détenus dans des conditions de sécurité renforcée, souvent dans des locaux du SED ainsi que dans les prisons centrale et principale de Kondengui à Yaoundé, la prison centrale de New Bell à Douala et la prison principale de Mfou, dans la région du Centre. Certains auraient été détenus dans des structures de la DGRE. Souvent, les prisonniers politiques ne jouissaient pas des mêmes protections que les autres détenus, et le gouvernement a parfois restreint l’accès des organisations de défense des droits de la personne à ces prisonniers. Selon des allégations crédibles, le gouvernement a porté de fausses accusations de violence contre des dissidents pacifiques.

Dans un communiqué de presse en date du 7 avril, REDHAC s’est inquiété du harcèlement judiciaire contre des détenus appartenant au MRC à Douala, notamment Ndljole Annis Wilfried, Kouamou Kouam Adolphe Romuuald, Tatcheumou Noutebel Constant Rofel, Kamou Staphane, Kue François, Kontchouo Thomas, Feugou Ludovic, Tanakeng Lezigning Mecxhideng, Nsa Ngako Guesie Pene, Pouakou Jiabvo Andre Gislain, Kue Bogne Colline, Nguegang Simplice Romeo et Maptouhe Antoine Roger. Selon le communiqué de presse, le juge d’instruction no 3 du tribunal militaire de Douala, Nyango Eko Linda Epse Afane Fongo, a, le 1er avril, transmis le dossier au tribunal militaire en charge des affaires pénales. Les membres du MRC ont été mis en accusation pour des délits tels que « révolution », « insurrection, manifestations illégales et attroupement ».

Les dix dirigeants séparatistes, dont Julius Sisiku Ayuk Tabe, condamnés à la réclusion à perpétuité par le Tribunal militaire de Yaoundé en 2019, sont restés en prison, la cour d’appel ayant validé la peine au mois de septembre. L’ancien ministre d’État chargé de l’Administration territoriale, Marafa Hamidou Yaya, condamné en 2012 pour corruption à 25 ans de prison, était toujours incarcéré.

Représailles à motivation politique contre des personnes se trouvant à l’extérieur du pays

Contrairement aux années précédentes, il n’y a pas eu pendant l’année de signalements crédibles de représailles à motivation politique contre des personnes se trouvant à l’extérieur du pays.

Procédures et recours judiciaires au civil

Les citoyens et les organisations ont le droit de former des recours civils pour demander réparation de violations des droits de la personne au moyen de procédures administratives ou de l’appareil judiciaire, mais ces deux options étaient sujettes à de longs retards. Les particuliers et les organisations ont le droit de faire appel des décisions défavorables d’un tribunal auprès d’organismes nationaux ou d’instances régionales de défense des droits de la personne, mais les décisions de ces dernières ne sont pas contraignantes.

Saisie et restitution de biens

Le 9 janvier, les autorités administratives ont expulsé de force plus de 100 familles de l’aéroport de New Town, une commune située près de l’aéroport international de Douala. Les habitations ont été rasées et les protestataires ont reçu du gaz lacrymogène. La raison officielle de l’opération était d’« assurer le droit de passage » de l’aéroport de Douala. Un groupe de jeunes a protesté contre la démolition de leurs maisons et d’une mosquée. Certaines des personnes expulsées ont déclaré qu’il s’agissait de leur lieu de résidence depuis plus de 30 ans. Les autorités n’ont pas pris la responsabilité de la réinstallation des habitants, et beaucoup d’entre eux se sont retrouvés sans abri. Cabral Libii, député issu du Parti camerounais pour la réconciliation nationale, a dénoncé les expulsions et insisté que les personnes dont les droits avaient été bafoués devraient être compensées.

f. Ingérence arbitraire ou illégale dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance

Bien que la Constitution et la loi interdisent l’ingérence arbitraire dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance, ces droits ont été sujets à restriction au nom des « intérêts supérieurs de l’État ». Des signalements crédibles ont fait état de cas où des éléments de la police et de la gendarmerie avaient abusé de leur position, harcelé des citoyens et procédé à des perquisitions sans mandat. La loi ne permet aux forces de police de pénétrer dans un domicile privé sans mandat pendant la journée que si elles sont à la poursuite d’une personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou surprise en flagrant délit. La police et la gendarmerie n’ont souvent pas respecté cette disposition et pénétraient dans des domiciles privés sans mandat. La police peut être autorisée par une instance administrative, y compris un gouverneur ou un haut fonctionnaire départemental, à effectuer des opérations de ratissage de quartier sans mandat, et cela s’est produit.

L’ONG Human Is Right, basée à Buéa, a signalé au mois d’août avoir consigné plusieurs cas d’arrestations et détentions arbitraires aux mains des forces de défense et de sécurité à Mutengene, Muea, Mile 16, Mile 14 et Molyko, dans la région du Sud-Ouest, entre le 18 et le 30 août. Selon l’ONG, des forces de sécurité en patrouille dans les quartiers ont arrêté des personnes, surtout des jeunes hommes, et ont fouillé leurs domiciles sans mandat. Un témoin anonyme aurait confié à l’ONG que son fils de 24 ans, qui était pourtant muni de sa carte nationale d’identité, avait été arrêté à Molyko, puis forcé à payer 50 000 francs CFA (soit 91 dollars É.-U.) pour être libéré.

Selon certaines informations, les autorités punissaient certaines personnes pour des infractions reprochées à un membre de leur famille. Dans un message audio ayant circulé sur les plateformes de réseaux sociaux le 3 août en début de journée, le combattant séparatiste appelé « Général No Pity », qui contrôlait une base de séparatistes connus sous le nom de Marine Forces à Ndop, dans la région du Nord-Ouest, racontait que des soldats avaient fait irruption dans son enceinte et arrêté notamment « [s]on père, [s]a mère, un de [s]es oncles et une de [s]es tantes ». Il donnait 48 heures aux autorités pour relâcher les membres de sa famille, sous peine de faire des ravages s’il leur arrivait quelque chose. Le CEREDRUP (Center for Research and Resources Distribution to Rural and Underprivileged People), une ONG, a confirmé ses propos dans un rapport publié le 4 septembre. Selon le CEREDRUP, son frère et son cousin ont été relâchés le 5 août, mais sa mère et son oncle étaient toujours en garde à vue. Exerçant des pressions dans le but d’obtenir leur libération, No Pity et ses combattants ont pris position le long de l’autoroute Bamenda-Kumbo à Ndop et sur la colline de Sabga, bloquant complètement le chemin pendant des semaines. Fin décembre, le gouvernement n’avait fait aucune déclaration officielle concernant les arrestations.

g. Violations liées aux conflits

Exécutions extrajudiciaires : Des signalements ont indiqué que des membres des forces gouvernementales et des combattants séparatistes avaient tué délibérément des civils. Le 4 juillet, selon plusieurs sources crédibles, des soldats ont abattu Djibring Dubila Ngoran, un habitant local, à un poste de contrôle de sécurité. Un communiqué de presse du gouvernement, publié le 6 juillet, décrivait la victime comme un fugitif recherché par la justice, l’accusant de complicité avec des séparatistes à l’étranger. Les résidents locaux ont rejeté ces accusations, et des centaines de civils ont manifesté dans les rues de Bamenda.

Le 18 juillet, des séparatistes ont décapité Esomba Nlend sur la plage d’Ekondo-Titi, l’accusant de traîtrise. Le 23 juillet, à Ekondo-Titi, dans le département du Ndian, dans la région du Sud-Ouest, des séparatistes ont tué l’ancien combattant John Eyallo, qui avait déposé les armes et rejoint le centre de désarmement, démobilisation et réinsertion de Buéa.

Enlèvements : Des séparatistes armés auraient enlevé plusieurs personnes qui n’auraient pas respecté les mesures de confinement imposées par les séparatistes. Ils ont pris en otage notamment des responsables publics, des dirigeants politiques, des enseignants, des écoliers et des chefs traditionnels. Selon des allégations crédibles, des séparatistes ont brutalisé physiquement leurs victimes.

Le 13 janvier, des séparatistes armés ont attaqué un camion de transport dans le village de Bamessing, dans la commune de Ndop, dans la région du Nord-Ouest, et enlevé le chauffeur et son assistant. Deux jours plus tard, le 15 janvier, deux civils ont été enlevés par des individus soupçonnés d’être des séparatistes dans leur fermes de Mbelewa, à Bamenda 3. Selon l’ONG Reach Out, des séparatistes ont enlevé trois civils sur un chantier le 21 janvier à Mile 6 Nkwen, à Bamenda 3, dans la région du Nord-Ouest, parce qu’ils n’avaient pas obtenu de permis du commandant local des forces séparatistes avant de commencer les travaux.

Le 3 février, des hommes armés, dont on pensait qu’ils étaient des séparatistes, ont enlevé trois agents communaux de Bamenda 2 alors qu’ils fermaient des commerces. Une vidéo trouvée sur les réseaux sociaux montrait les agents assis par terre, torse nu, menacés par leurs ravisseurs, qui les accusaient d’avoir violé les lois d’« Ambazonie ».

Le 12 mars, HRW a signalé que des séparatistes armés avaient enlevé un médecin le 27 février dans la région du Nord-Ouest pour l’emmener dans leur camp. Ils l’ont accusé de « ne pas avoir contribué à la cause » et l’ont menacé de le tuer. Il a été remis en liberté six heures plus tard, après paiement d’une rançon de 300 000 francs CFA (545 dollars É.-U.).

Plusieurs organes de presse ont rapporté que le 13 mars, des hommes armés, soupçonnés d’être des séparatistes, avaient enlevé Fame Bonyui, journaliste à la CRTV de Buéa, dans la région du Sud-Ouest. Une vidéo ayant largement circulé sur les réseaux sociaux la montrait en captivité dans un lieu inconnu, sous la menace du couteau, en train de supplier qu’on lui laisse la vie sauve. Elle a finalement été remise en liberté pendant la nuit du 14 mars après le paiement par sa famille d’une partie de la rançon exigée.

Reach Out a signalé en mai que le 12 janvier, des forces de sécurité avaient fait une descente à Bawum, dans la région du Nord-Ouest, et brûlé l’écovillage de Bafut, site du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le 22 janvier, les forces de sécurité ont attaqué le village de Bafia, dans l’arrondissement de Muyuka, dans la région du Sud-Ouest, et y ont incendié des maisons. Un incident semblable s’est passé le 16 février à Tad, village de la commune de Batibo, dans la région du Nord-Ouest. Selon plusieurs sources, le 1er mars, les forces de sécurité ont également mis à feu un gîte et un laboratoire de l’hôpital baptiste de Bamkikai, dans la commune de Kumbo. Dans son rapport du mois d’août, HRW a indiqué que les 8 et 9 juin, les forces de sécurité avaient détruit et pillé au moins 33 foyers et magasins ainsi que le palais d’un chef traditionnel dans la Région du Nord-Ouest. Selon des sources crédibles, dont le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le 25 juin, des séparatistes de la Région du Nord-Ouest ont enlevé quatre travailleurs humanitaires et les ont détenus pendant la nuit.

Mauvais traitements, châtiments et torture : Selon des informations anecdotiques, des membres des forces gouvernementales infligeaient des mauvais traitements aux civils et aux prisonniers dont ils avaient la garde. Des informations ont laissé entendre que les forces gouvernementales comme les séparatistes avaient maltraité des personnes, avec notamment des violences sexuelles et sexistes (voir également la section 1.a.).

Enfants soldats : Le gouvernement n’a pas recruté ou employé d’enfants soldats. Contrairement à l’année précédente, il n’y avait pas été signalé d’allégations selon lesquelles des membres des forces de défense et de sécurité ont utilisé des enfants à des fins de renseignement. Les associations locales de surveillance des quartiers, appelés comités de vigilance, sont susceptibles d’avoir recruté et utilisé des enfants âgés d’à peine 12 ans pour des opérations contre Boko Haram et l’EI-AO. Les autorités ont de plus en plus encouragé la création de comités de vigilance. Ainsi, le 29 juillet, le préfet des Bamboutos, François Franklin Etapa, a publié une décision sur la réorganisation de comités locaux d’autodéfense dans sa préfecture.

Boko Haram a continué de se servir d’enfants soldats, y compris de filles, dans ses attaques contre des cibles civiles et militaires.

Autres violations liées aux conflits : Comme l’année précédente, il a été rapporté de nombreuses violences à l’encontre des centres de santé et leur personnel ainsi que l’emploi d’armes à feu à proximité d’établissements de santé par des membres des forces de sécurité et des séparatistes armés.

De janvier à juin, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, 29 attaques ont été signalées contre sept districts sanitaires dans la région du Nord-Ouest et sept districts sanitaires dans la région du Sud-Ouest. Ces districts ont également fait état d’attaques contre des établissements de santé, notamment les retraits de patients et de travailleurs de santé, la pénalisation des soins de santé, la violence psychologique, l’enlèvement, l’arrestation et la détention de personnel de santé ou de patients, et les incendies. Ces attaques ont tué au moins un patient et complètement détruit l’équipement et les structures des services sanitaires d’un district.

Section 2. Respect des libertés civiles

a. Liberté d’expression, notamment pour les membres de la presse et d’autres médias

La loi prévoit la liberté d’expression, notamment pour les membres de la presse et d’autres médias, mais le gouvernement a souvent restreint cette liberté de façon plus ou moins explicite. L’absence d’enquêtes ou de poursuites par le gouvernement concernant les attaques à l’encontre de défenseurs des droits de la personne et de manifestants pacifiques conduisait à des restrictions de fait de la liberté d’expression.

Liberté d’expression : Des responsables gouvernementaux ont sanctionné des personnes ou des organisations ayant critiqué les politiques gouvernementales ou exprimé des vues contraires à ces politiques. Les particuliers qui critiquaient le gouvernement en public ou en privé ont souvent subi des représailles. À plusieurs reprises, les autorités ont invoqué des lois exigeant une autorisation, ou une notification des autorités, pour manifester sur la voie publique, afin d’étouffer la liberté d’expression.

Le 20 janvier, au cours d’une réunion qui s’est tenue au bureau du gouverneur avec les chefs traditionnels de la région de l’Ouest, à Bafoussam, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a critiqué les chefs traditionnels en raison d’une déclaration publiée par certains d’entre eux en novembre 2020 sur la situation sociopolitique du pays, dans laquelle ils remarquaient que l’option militaire visant à endiguer la crise anglophone avait montré ses limites, laissant entendre qu’il était nécessaire de trouver une autre voie pour atteindre la paix. Reprenant le message du ministre, la CRTV, financée par l’État, a déclaré que les chefferies traditionnelles devaient s’abstenir de s’engager ou de permettre à leurs peuples de s’engager dans la cause politique et devraient plutôt stimuler le développement par le biais du processus de décentralisation.

Liberté d’expression pour les membres de la presse et des médias, y compris les médias en ligne : Les médias privés étaient actifs, avec tout une série de points de vue. Des restrictions étaient imposées à l’indépendance éditoriale des médias, en partie en raison de la crainte de représailles de la part d’acteurs étatiques et non étatiques, notamment des séparatistes en lien avec la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Des journalistes ont signalé s’autocensurer de manière à ne pas avoir à subir de conséquences, notamment des tentatives d’extorsion en raison de leurs critiques ou contradictions du gouvernement.

Violence et harcèlement : Des policiers, des gendarmes et d’autres agents du gouvernement ont arrêté, détenu, agressé et intimidé des journalistes. L’absence d’enquêtes ou de poursuites par l’État concernant les agressions dont les journalistes étaient victimes créait des restrictions de fait.

Le quotidien privé Le Jour a signalé que le 29 avril, des agents communaux de Yaoundé 5e avaient agressé deux journalistes de Canal 2 International alors qu’ils couvraient une manifestation par des chauffeurs de motos-taxi. Selon les médias, les agents communaux ont gravement passé à tabac le caméraman de Canal 2, Bertrand Tsasse, ont confisqué et détruit son matériel de travail et l’ont menacé de le tuer. D’autres membres de l’équipe, notamment un chauffeur et un journaliste, ont également été menacés. Un porte-parole du gouvernement a déclaré que le matériel de travail de M. Tsasse avait été confisqué parce que les journalistes encourageaient les chauffeurs de motos-taxi à susciter des troubles pour obtenir des prises de vue supplémentaires pour leur reportage.

Le 14 avril, le Comité de protection des journalistes (CPJ) a signalé qu’en août 2020, six hommes armés en civil avaient arrêté Mbombog Mbog Matip, directeur du journal privé Climat Social, également auteur de commentaires politiques sur les réseaux sociaux. Le communiqué du CPJ indiquait que Mbombog Mbog avait été détenu au SED jusqu’en septembre 2020, date à laquelle un juge du militaire l’a accusé de « propagation de fausses nouvelles » et placé en détention provisoire jusqu’au 7 mars. À la suite de son audience au tribunal, il a été transféré à la prison centrale de Kondengui, à Yaoundé. Le CPJ a déclaré qu’il est resté en garde à vue jusqu’au 7 mars sans recevoir de mise à jour sur son dossier, et que dans les mois précédant son arrestation, il avait enquêté sur une accusation de tentative de coup d’État impliquant le colonel Joël Émile Bamkoui, commandant de la Division de la sécurité militaire du Cameroun. Selon CamerounWeb, M. Bamkoui aurait battu et menacé M. Mbombog Mbog pendant sa détention au SED. Le CPJ a également signalé qu’il y avait en avril huit journalistes en prison, dont un grand nombre ont été arrêtés parce qu’ils étaient perçus comme opposés au gouvernement.

Le 19 avril, une chaîne de télévision privée progouvernementale, Vision 4, a produit un reportage sur J. Rémy Ngono, un journaliste camerounais qui vivait en France et a participé à l’émission Radio Foot Internationale sur Radio France Internationale. Dans le reportage, Raoul Christophe Bia remettait en question l’orientation sexuelle de M. Ngono. Photos retouchées à l’appui, il le comparait explicitement à un animal. Le 16 septembre, Vision 4 a de nouveau diffusé ces images désobligeantes dans le cadre d’un autre reportage. Pour certains observateurs, cette remise en question de l’orientation sexuelle de Ngono et les images photoshoppées avaient été publiées en réponse à ses critiques du gouvernement.

Censure ou restrictions sur le contenu : Aux termes de la loi, le ministère de la Communication exige des rédacteurs en chef qu’ils soumettent deux exemplaires signés de leur journal dans les deux heures qui suivent sa publication. Les journalistes et les organes de presse ont signalé pratiquer l’autocensure, surtout si le Conseil national de la communication avait antérieurement suspendu leurs activités.

Lois sur la diffamation et la calomnie : La diffamation, la calomnie et le blasphème sont traités comme des infractions pénales. La loi autorise le gouvernement à entamer des poursuites au pénal lorsque le président ou d’autres hauts responsables du gouvernement sont les victimes présumées. Ces lois font supporter la charge de la preuve à l’accusé et ces infractions sont passibles de peines de prison assorties de lourdes amendes. Si le gouvernement peut entamer des poursuites judiciaires lorsque le président ou d’autres hauts responsables du gouvernement sont les victimes déclarées, tout citoyen peut également le faire pour diffamation ou calomnie ; cependant, la loi est souvent appliquée de manière sélective et favorise les hauts responsables publics et les personnes influentes.

Le 17 juin, le tribunal de première instance de Mbanga, dans la région du Littoral, a reconnu coupables Clément Ytembé Bonda, André Boris Wameni et Flavy Kamou Wouwe d’outrage au Président de la République et aux corps constitués et de propagation de fausses nouvelles via les réseaux sociaux et les a condamnés un an de prison et à une amende. Les trois individus étaient des ex-employés de la société des Plantations du Haut Penja (PHP). Ils avaient été arrêtés le 11 juin après qu’une vidéo ayant largement circulé sur les réseaux sociaux les montrait en train de fustiger PHP pour les mauvaises conditions de travail qui y régnaient. Dans la vidéo, M. Bonda, le principal intervenant, utilisait un langage critique pour décrire le président Paul Biya et son gouvernement, disant qu’ils travaillaient dans la plantation de bananes de 6 à 18h, sous la pluie et le soleil, pour un salaire mensuel de quelque 30 000 francs CFA (soit 55 dollars É.-U.) tandis que les ministres, à Yaoundé, lambinaient et volaient des milliards des caisses publiques.

Après plus de deux ans en détention provisoire en raison d’une plainte pour diffamation déposée par l’auteure franco-camerounaise Calixthe Beyala, Paul Chouta, qui travaillait comme journaliste pour le site Web privé Cameroon Web news, a été libéré le 20 mai, deux jours après avoir été condamné à 23 mois de prison par le tribunal de première instance de Mfoundi. Le tribunal a rendu une condamnation rétroactive couvrant la période de son incarcération sans inculpation.

Lors d’une réunion à Yaoundé le 5 juillet pour sa 28e session extraordinaire, le Conseil national de la communication a sanctionné trois journalistes pour ce qu’il estimait être un manquement aux exigences professionnelles. Les sanctions étaient d’un à six mois de suspension ainsi que d’un avertissement. Stive Jocelyn Ngo, journaliste de DBS TV, a été sanctionné de 30 jours de suspension pour la diffusion, le 21 avril, de propos non fondés et offensants à l’endroit du président de la République française pendant l’émission DBS Martin. Sismondi Barkev Bidjocka, directeur de publication de Ris radio, a été frappé d’une suspension d’un mois pour absence d’éléments de preuves nécessaires ayant conduit à la diffusion d’informations « non fondées et offensantes » à l’encontre du député Cabral Libii. Il insinuait que ce dernier était engagé dans des malversations impliquant l’accord de marchés publics liés à la lutte contre la pandémie de COVID-19 à des fins d’enrichissement personnel. Emmanuel Nynanssi Nkouya, directeur de publication du magazine Confidence, a reçu six mois de suspension pour avoir publié un article contenant des « propos offensants » concernant le sénateur Sylvester Nghouchinghe.

Sûreté nationale : Les autorités ont souvent cité les lois de lutte contre le terrorisme ou de protection de la sécurité nationale pour menacer les détracteurs du gouvernement.

Impact extra-gouvernemental : Il n’a pas été signalé que des groupes séparatistes armés dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest cherchaient ouvertement à limiter la liberté d’expression, notamment celle de la presse. Cependant, les restrictions des déplacements par des séparatistes armés ont contribué à limiter la liberté de la presse. Par ailleurs, certains dirigeants politiques et leaders d’opinion ont cherché à entraver la liberté d’expression en critiquant les personnes qui exprimaient des perspectives allant à l’encontre des politiques gouvernementales.

Liberté d’accès à internet

Des informations anecdotiques indiquaient que le gouvernement surveillait les communications privées des internautes sans autorisation judiciaire appropriée.

Liberté d’enseignement et manifestations culturelles

S’il n’existait pas de restrictions légales à la liberté d’enseignement ou aux manifestations culturelles, certaines administrations scolaires auraient sanctionné des enseignants qui auraient abordé des sujets politiquement sensibles en classe, et les responsables administratifs dissuadaient souvent les enseignants de critiquer le gouvernement.

Des informations ponctuelles ont laissé entendre que des scientifiques et des universitaires avaient été exposés à des menaces, des actes d’intimidation et des restrictions de leur liberté d’expression. Ainsi, dans son rapport du mois de mars sur les droits de la personne, le consortium d’ONG Stand Up for Cameroon a signalé que le professeur Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, maître de conférences à l’Institut des relations internationales du Cameroun, avait peur pour sa vie après un interrogatoire au SED le 9 mars.

Le gouverneur de la région de l’Est, Grégoire Mvondo, a ordonné l’inclusion à un examen de questions sur le message du président Biya à la jeunesse le 10 février.

b. Liberté de réunion et d’association pacifiques

Le gouvernement a limité la liberté de réunion et d’association pacifiques. L’absence d’enquêtes ou de poursuites par le gouvernement concernant les attaques à l’encontre des défenseurs des droits de la personne et des manifestants pacifiques conduisait à des restrictions de fait des libertés de réunion et d’association.

Liberté de réunion pacifique

Bien que la loi garantisse la liberté de réunion pacifique, le gouvernement en a souvent restreint l’exercice. La loi exige des organisateurs de réunions, manifestations et défilés publics qu’ils informent les autorités à l’avance, mais elle n’exige pas l’approbation préalable des rassemblements publics par les autorités et n’autorise pas celles-ci à s’opposer aux rassemblements publics qu’elles n’ont pas approuvés au préalable. Toutefois, des représentants de l’État ont régulièrement affirmé que la loi autorisait implicitement le gouvernement à accorder ou à refuser la permission de tenir des rassemblements publics. Le gouvernement a souvent accordé des permis pour les rassemblements de manière sélective et il a eu recours à la force pour disperser les rassemblements pour lesquels il n’en avait pas délivré. Le 1er décembre, Maurice Kamto devait tenir une séance de dédicace au restaurant La Chaumière dans le quartier de Bonapriso de Douala, mais les autorités ont déployé les forces de sécurité pour empêcher l’événement. Tôt le matin, ces dernières ont pris position à des endroits stratégiques, gênant la circulation et bloquant l’accès au site de la dédicace. La police a également bloqué l’accès l’hôtel Vallée des Princes, où séjournait M. Kamto. Après un jour de tensions, M. Kamto a été emmené hors de Douala sous escorte policière.

Les autorités ont généralement invoqué des raisons de sécurité et de santé pour justifier leurs décisions d’interdire des rassemblements. En revanche, les groupes progouvernementaux étaient, en général, autorisés à organiser des manifestations publiques.

Le 16 juillet, Roger Justin Noah, secrétaire général adjoint du MRC, parti de l’opposition, a déposé une demande de manifestation publique auprès du sous-préfet de Yaoundé 1er. Selon le MRC, l’objectif de la manifestation était de promouvoir la paix dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, d’appeler à la solidarité avec les populations de la région de l’Extrême-Nord victimes de Boko Haram, de dénoncer l’ethnocentrisme et les discours de haine, et d’appeler le gouvernement à respecter les droits politiques de l’ensemble des citoyens, y compris les prisonniers politiques. La manifestation était prévue pour le 25 juillet ; cependant, trois jours plus tôt, le sous-préfet l’a interdite, évoquant un risque de « trouble à l’ordre public » et de « propagation de la COVID-19 ». Toutefois, les manifestations de soutien au président Biya le 21 juillet à Mokolo, dans la région de l’Extrême-Nord, et le 25 juillet à Bertoua, dans la région de l’Est, ont, elles, été approuvées. Dans l’ensemble, ces rassemblements, qui se sont produits respectivement un jour et trois jours après l’interdiction de la manifestation prévue du MRC, étaient perçus par les observateurs comme certaines des réactions contre les messages de protestation de la « brigade antisardinards », composée de militants de la diaspora, qui ont perturbé pendant toute sa durée le séjour du président Biya à l’hôtel Intercontinental de Genève, en Suisse, le 17 juillet.

Le 15 décembre, le sous-préfet de Yaoundé 2e a également interdit une consultation sous-régionale du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) prévue pour le lendemain au Palais des congrès de Yaoundé sur les propositions de sortie de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le sous-préfet a cité des raisons de sécurité et liées à la pandémie de COVID-19 pour se justifier de cette décision.

Liberté d’association

Si la Constitution et la loi prévoient la liberté d’association, la loi impose aussi des limites à ce droit. Sur recommandation du préfet, le ministère de l’Administration territoriale peut suspendre les activités d’une association pendant trois mois au motif qu’elles perturbent l’ordre public. Il peut également dissoudre une association s’il est considéré qu’elle constitue une menace pour la sécurité de l’État. Les associations nationales peuvent acquérir un statut légal sur déclaration écrite au ministère, mais ce dernier doit enregistrer de façon explicite les associations étrangères et le président doit accorder une accréditation aux groupes religieux sur recommandation du ministère de l’Administration territoriale. La loi sanctionne par de lourdes amendes les personnes qui constituent et gèrent toute association de ce type sans l’approbation du ministère. La loi interdit les organisations qui militent en faveur d’objectifs contraires à la Constitution, à la loi et à la moralité ainsi que celles qui visent à porter atteinte à la sécurité, à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale, à l’intégration nationale ou à la forme républicaine de l’État.

Les conditions de la reconnaissance des partis politiques, des ONG ou des associations par l’État étaient complexes, donnaient lieu à de longues procédures et étaient appliquées de façon inégale (voir également la section 3, Partis politiques et participation au processus politique). En conséquence, la plupart des associations fonctionnaient dans un flou juridique, leurs activités étant tolérées sans avoir été officiellement approuvées.

Bien que le gouvernement n’ait pas officiellement interdit d’organisations, il a continué à limiter les activités de certains partis politiques et ONG, tels que Médecins sans frontières, Un monde avenir et le MRC. Dans un communiqué de presse en date du 2 août, Médecins sans frontières a indiqué avoir été forcé, après presque huit mois de suspension par les autorités, de retirer ses équipes de la région du Nord-Ouest. Les autorités accusaient le groupe humanitaire de fournir une aide matérielle aux séparatistes, ce qu’il a toujours nié. Dans un communiqué en date du 26 août, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a ordonné aux responsables des organisations étrangères opérant dans le pays de régulariser leur situation en envoyant des documents spécifiques aux autorités dans un délai d’un mois. Selon ses responsables, bien que l’ONG Un monde avenir, qui dénonce régulièrement les exactions commises par les autorités, leur ait fait parvenir le dossier exigé, son accréditation n’avait, en fin d’année, pas été renouvelée. Son coordonnateur, Philippe Nanga, aurait appris de son banquier qu’il ne pouvait pas ouvrir de compte au nom de l’organisation parce que son accréditation avait été suspendue.

c. Liberté de religion

Veuillez consulter le Rapport du département d’État sur la liberté de religion dans le monde à l’adresse suivante : https://www.state.gov/religiousfreedomreport/.

d. Liberté de circulation et le droit de quitter le pays

Bien que la Constitution et la loi garantissent la liberté de circulation à l’intérieur du pays et le droit de se rendre à l’étranger, d’émigrer et de revenir, le gouvernement a parfois restreint l’exercice de ces droits.

Déplacements à l’intérieur du pays : Sous prétexte d’infractions mineures, la police, la gendarmerie et les douanes ont fréquemment soutiré des pots-de-vin aux voyageurs et les ont harcelés aux barrages routiers et aux postes de contrôle dans les villes et sur la plupart des grandes routes. La police a fréquemment stoppé des voyageurs pour vérifier leurs papiers d’identité, notamment les cartes nationales d’identité, les passeports, les permis de séjour, les documents d’immatriculation des véhicules et les récépissés d’impôts, dans le cadre de mesures de sécurité et de contrôle de l’immigration. Comme l’année précédente, les organisations humanitaires ont fait état de difficultés pour accéder à certaines zones et, dans certains cas, elles ont été harcelées et empêchées de passer par les autorités gouvernementales. Les femmes voyageant seules étaient souvent harcelées. Les autorités ont limité les déplacements des personnes et des biens, y compris des motos, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, invoquant des problèmes de sécurité. Des séparatistes armés ont également restreint les déplacements des personnes et des biens dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, parfois dans le but délibéré de harceler et d’intimider la population locale. Ils se sont souvent servis des « villes fantômes », des confinements hebdomadaires, pour appliquer des limitations des mouvements, exigeant que toutes les entreprises ferment et que les habitants ne sortent pas de chez eux. Les crimes violents, notamment les enlèvements par des terroristes et contre rançon, les vols à main armée, les agressions et les braquages de véhicules, entravaient considérablement les déplacements à l’intérieur du pays dans les trois régions du nord ainsi que dans une partie de la région de l’Est.

Le 20 juillet, Simon Emile Mooh, le préfet du département de Mezam, dans la région du Nord-Ouest, a interdit la circulation des motos à Bali pendant 3 mois, indiquant que l’interdiction pourrait être prolongée, après le meurtre de cinq policiers à Bali le 18 juillet par des individus soupçonnés d’être des séparatistes, qui circulaient à moto. Le 11 septembre, des séparatistes alignés sur une faction du gouvernement intérimaire d’Ambazonie, ont signé une résolution instituant un confinement dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du 15 septembre au 1er octobre, pendant lequel tous les véhicules étaient interdits sur les routes de ces deux régions. Les séparatistes menaçaient de sanction toute personne ou groupe de personnes qui enfreindrait l’interdiction. Selon les médias, les rues et marchés de Buéa, Kumba et Bamenda étaient déserts et les écoles ont fermé le 16 septembre à la suite de la déclaration.

Déplacements à l’étranger : Les Camerounais ont le droit de quitter le pays sans restrictions arbitraires. Cependant, les mouvements de certains opposants politiques et débiteurs étaient surveillés et leurs documents de voyage étaient souvent confisqués de manière à les empêcher de sortir du pays. Pour obtenir un permis de sortie, les Camerounais doivent être titulaires d’un passeport et d’un visa pour leur pays de destination.

e. Statut et traitement des déplacés internes

Selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il y avait au 31 décembre plus de deux millions de personnes relevant du mandat du HCR dans le pays et plus d’un million de déplacés internes, dont 358 000 dans la région de l’Extrême-Nord et 711 000 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Par ailleurs, le pays comptait 477 500 anciens déplacés qui étaient rentrés chez eux. L’accès à l’aide humanitaire restait extrêmement limité étant donné que les responsables militaires exerçaient un contrôle rigoureux de l’accès. L’insécurité due aux groupes armés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest limitait également cet accès dans certaines zones. Les vols du Service aérien d’aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS) ont été suspendus dans la région du Nord-Ouest pour des raisons de sécurité. D’autres facteurs expliquaient les déplacements, notamment la volonté d’échapper à Boko Haram.

Le gouvernement a mis en place des centres de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) permettant de promouvoir le retour volontaire et en toute sécurité, la réinstallation ou l’intégration locale des anciens combattants dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Des rapports laissent entendre que les centres de DDR mis en place par le gouvernement manquaient de ressources et voyaient partir certains anciens combattants. Toutefois, au cours de l’année, un grand nombre d’anciens combattants de Boko Haram auraient rejoint les centres de DDR dans la région de l’Extrême-Nord après le décès de leur dirigeant, Abubakar Shekau. Fin août, selon les chiffres officiels, plus de 1 102 anciens combattants avaient rejoint les centres de DDR depuis janvier. Les services d’aide sociale de base aux déplacés internes et l’assistance aux rapatriés ont été assurés par des acteurs humanitaires avec un soutien minimal du gouvernement. Les acteurs humanitaires ont mentionné plusieurs fois que leur communauté ne pouvait pas mettre efficacement en œuvre de programme de DDR sans l’existence d’un cadre juridique, que le gouvernement n’avait pas encore mis en place. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les acteurs humanitaires avaient principalement accès aux centres urbains. Le gouvernement a fourni des efforts pour apporter une assistance en nature nécessaire d’urgence aux déplacés internes touchés par la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest en se fondant sur son plan d’action humanitaire. Cette assistance aurait été distribuée aux populations sans évaluer leurs besoins et uniquement à des personnes se trouvant dans des zones urbaines accessibles.

f. Protection des réfugiés

Dans l’ensemble, le gouvernement a coopéré avec le HCR et d’autres organisations humanitaires pour fournir protection et aide aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et aux autres personnes relevant du mandat du HCR. Le pays appliquait une politique de la porte ouverte qui ne s’est cependant pas traduite par un cadre juridique progressif autorisant les réfugiés à jouir de leurs droits comme le prévoient différents instruments juridiques.

Droit d’asile : La législation prévoit la possibilité d’accorder l’asile et le statut de réfugié, et le gouvernement a mis en place un système visant à assurer la protection des réfugiés, mais la mise en œuvre de ce système était poussive. Le HCR a continué de fournir documents et assistance aux populations réfugiées, bien que les autorités locales n’aient pas toujours accordé de valeur officielle à ces documents, ce qui a empêché des réfugiés de se déplacer et de mener des activités commerciales. En collaboration avec le gouvernement, il a comme précédemment procédé à l’enregistrement et à des vérifications biométriques des réfugiés dans la région de l’Extrême-Nord, y compris ceux qui ne vivaient pas dans des camps.

Liberté de circulation : Les délais étaient longs pour la délivrance des documents par les pouvoirs publics aux réfugiés et aux autres personnes nécessitant des documents primaires, ce qui a limité les mouvements.

Accès aux services de base : Les réfugiés avaient un accès limité aux soins médicaux, à l’éducation et aux possibilités d’emploi. Les habitants des zones rurales qui les accueillaient étaient confrontés à des problèmes semblables, mais la situation des réfugiés était légèrement pire. L’accès à ces services était variable selon le lieu où se trouvaient les réfugiés, ceux vivant dans des camps recevant plus de soutien par le biais de l’assistance humanitaire, tandis que ceux qui vivaient dans les communautés d’accueil avaient plus de mal à obtenir des services. Le 25 mai, le ministère de la Santé publique et le HCR ont signé un mémorandum d’accord pour fournir des soins de santé aux réfugiés dans les établissements de santé publics. Un plan d’intégration stratégique couvre les réfugiés de République centrafricaine et du Nigeria, ainsi que les personnes déplacées en raison de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. L’accord était censé apporter à la population hôte comme aux réfugiés un accès équitable à des services de santé primaires de qualité et un système de recommandations pour les soins secondaires et tertiaires.

Solutions durables : Rien n’indiquait que le gouvernement acceptait des réfugiés pour les réinstaller ou proposait à ceux qui étaient sur son territoire de se faire naturaliser. Cependant, il a aidé au retour volontaire de personnes en République centrafricaine et au Nigeria.

Le 10 février, les gouvernements du Nigeria et du Cameroun et le HCR ont annoncé le retour volontaire prévu de 5 000 réfugiés nigérians du camp de réfugiés de Minawao dans la région de l’Extrême-Nord. Le 8 mars, le ministre de l’Administration territoriale Paul Antanga Nji a accordé une enveloppe d’aide d’urgence du président Biya au premier contingent de plus de 400 réfugiés nigérians qui avaient volontairement choisi de rentrer au pays. Après le retour volontaire de 3 880 réfugiés nigérians dans les villes de Banki et de Bama, dans l’État nigérian de Borno, les retours ont été interrompus en raison de la pandémie de COVID-19, de l’insécurité et des difficultés à se déplacer pendant la saison des pluies. Selon le quotidien privé Le Jour, les retours se sont faits entre janvier et mars au sein du cadre de la stratégie régionale de stabilisation, de redressement et de résilience des zones du bassin du lac Tchad touchées par la crise de Boko Haram. En octobre, le HCR a signalé qu’à l’issue de réunions avec des responsables nigérians et camerounais, il était prévu que 7 000 Nigérians rentrent au pays, répartis dans 14 convois de 500 personnes pendant le reste de l’année et en 2022.

Protection temporaire : L’État a continué d’offrir une protection temporaire officieuse à des individus qui ne remplissaient pas forcément les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié. Cette protection a été accordée à des centaines de personnes, dont des ressortissants de pays tiers ayant fui les violences en République centrafricaine. Du fait de leur absence de statut officiel et de leur impossibilité à bénéficier de services ou d’aide, bon nombre de ces personnes ont été victimes de harcèlement et d’autres mauvais traitements.

Section 3. Liberté de participer au processus politique

La loi garantit aux citoyens le droit de choisir leur gouvernement lors d’élections régulières libres et équitables tenues au scrutin secret et fondées sur le suffrage universel et égal. Toutefois, les élections ont souvent été entachées d’irrégularités, quoiqu’il n’y ait pas eu d’élections au cours de l’année.

Élections et participation au processus politique

Élections récentes : En février 2020, des élections législatives et municipales se sont déroulées au Cameroun. Environ 32 partis politiques ont participé aux élections législatives et 43 aux élections municipales. Des préoccupations liées à la sécurité ont limité la participation des électeurs dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Les tribunaux ont annulé les élections législatives dans onze circonscriptions de ces régions en raison du taux de participation, inférieur à 10 %. De nouvelles élections y ont été organisées en mars 2020. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir, a remporté 152 des 180 sièges à l’Assemblée nationale et 316 des 360 conseils municipaux. Les partis politiques de l’opposition ont perdu beaucoup de sièges par rapport aux élections précédentes. Dans l’ensemble, huit partis politiques d’opposition ont gagné des sièges à l’Assemblée nationale, et neuf ont obtenu le contrôle de conseils municipaux. Par ailleurs, des irrégularités, notamment le manque d’accès égal aux médias et à l’espace de campagne, la capacité limitée des candidats de l’opposition à s’inscrire pour les élections, le bourrage des urnes, le fait que le scrutin ne se soit pas toujours déroulé à bulletin secret, l’intimidation des électeurs, l’absence de vérification systématique des cartes d’identité et le manque d’expertise des responsables locaux du scrutin, ont incité le Conseil constitutionnel et les tribunaux administratifs régionaux à annuler certaines des élections législatives.

Selon les estimations, le taux de participation a été en 2020 de 43 % aux élections législatives et municipales, taux qui n’a jamais été aussi bas, en partie en raison de l’appel au boycott des élections par le MRC et d’autres partis de l’opposition. En décembre 2020, les toutes premières élections régionales ont été organisées, 24 ans après leur création par la Constitution de 1996. Grâce aux gains obtenus dans les conseils municipaux qui composaient le collège électoral aux élections de février 2020, le RPDC, parti au pouvoir, a remporté neuf des dix régions. Pour le gouvernement, il s’agissait d’un signe que la décentralisation se poursuivait, mais certains groupes de l’opposition politique et de la société civile ont critiqué les élections, qui selon eux ne décentralisent pas vraiment le pouvoir.

En 2018, Paul Biya a été réélu président à l’issue d’une élection entachée d’irrégularités, dans un contexte marqué par les troubles sociopolitiques prolongés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Partis politiques et participation au processus politique : Fin décembre, le pays comptait environ 330 partis politiques enregistrés. Au cours de l’année, le gouvernement a agréé onze nouveaux partis politiques « dans le souci d’enrichir le débat politique et d’encourager l’expression des libertés ». Le RPDC a continué de dominer tous les niveaux du gouvernement en raison de restrictions imposées aux partis politiques d’opposition, des redécoupages de circonscriptions, d’une couverture médiatique inéquitable, de l’emploi de fonds publics pour encourager les campagnes des partis, des ingérences dans le droit des partis de s’enregistrer comme candidats et de s’organiser durant les campagnes électorales et de l’influence des chefs traditionnels qui étaient pour la plupart cooptés par le RPDC. Les chefs traditionnels, qui percevaient des salaires de la fonction publique, ont ouvertement déclaré leur appui au président Biya avant l’élection présidentielle de 2018, et certains auraient contraint des résidents de leur circonscription à prouver qu’ils n’avaient pas voté pour un candidat d’opposition en montrant les bulletins de vote inutilisés. Les chefs traditionnels qui refusaient de s’associer avec le gouvernement étaient soit destitués, soit menacés de destitution. L’appartenance au parti au pouvoir conférait de grands avantages, notamment lors de l’attribution de postes clés dans les entreprises publiques et dans la fonction publique. À l’inverse, l’appartenance à certains partis politiques de l’opposition, surtout le MRC, était souvent associée à des menaces et des mesures d’intimidation de la part des pouvoirs publics.

Les organisations de défense des droits de la personne et les acteurs politiques de l’opposition considéraient que le découpage des circonscriptions électorales et la répartition des sièges des parlementaires et des conseillers municipaux était injuste. Ils se plaignaient que les districts de plus petite taille considérés comme des bastions du RPDC recevaient un nombre considérable de sièges par rapport à des districts plus peuplés où il était attendu que l’opposition obtienne des scores élevés. Les dirigeants des entreprises d’État et d’autres hauts fonctionnaires se servaient des ressources des entreprises pour faire campagne en faveur de candidats parrainés par le parti au pouvoir.

Participation des femmes et des membres de minorités : Aucune loi ne limite la participation des femmes, des minorités ou des personnes présentant des handicaps au processus politique et ils y ont participé, mais les femmes demeuraient sous-représentées à tous les niveaux du gouvernement. Aucune loi officielle ne limitait la participation des membres de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, queer et intersexe (LGBTQI+) ; cependant, des observateurs ont noté que la stigmatisation et la pénalisation des rapports sexuels entre personne du même sexe avait potentiellement dissuadé des personnes LGBTQI+ à participer au processus politique. Les femmes occupaient 87 des 280 sièges au Parlement : 61 à l’Assemblée nationale et 26 au Sénat. Elles occupaient également 11 des 66 postes ministériels. Des disparités semblables existaient pour d’autres fonctions de niveau supérieur, notamment dans le commandement territorial, la sécurité et la défense. Le groupe minoritaire baka, groupe autochtone nomade, n’était pas représenté au Sénat, à l’Assemblée nationale ou aux niveaux supérieurs du gouvernement, bien qu’aucune loi ne limite leur participation.

Section 4. Corruption et manque de transparence au sein du gouvernement

La loi prévoit des sanctions pénales pour les cas de corruption dans la fonction publique, mais le gouvernement ne l’a pas appliquée avec efficacité. Il a été fait état de nombreux cas de corruption au sein du gouvernement. Des responsables publics se sont parfois livrés à des pratiques de corruption en toute impunité. D’après la loi, diverses infractions, notamment le trafic d’influence, la prise d’emploi prohibé et la non-déclaration de conflit d’intérêt connu, constituent des actes de corruption. L’exonération de poursuites pénales contre les lanceurs d’alerte encourage la dénonciation de la corruption. Outre la législation anticorruption, la Commission nationale anti-corruption (CONAC), le tribunal criminel spécial, l’Agence nationale d’investigation financière, le ministre délégué à la présidence, chargé du Contrôle supérieur de l’État, et la Chambre des comptes de la Cour suprême contribuaient également à la lutte contre la corruption au Cameroun. En l’absence d’un mandat législatif ou présidentiel l’habilitant à lutter contre ce fléau, la CONAC, la plus médiatisée de ces agences anticorruption, avait un pouvoir limité. Il a été signalé que les hauts fonctionnaires condamnés à des peines de prison n’étaient pas toujours tenus de restituer leurs gains mal acquis.

Corruption : En 2020, les allégations de mauvaise gestion des ressources se sont poursuivies, surtout concernant le fonds spécial de lutte contre la pandémie de COVID-19, que certains ont appelé « Covidgate ». En mars, la présidence a ordonné l’audit de la gestion des dépenses liées à la pandémie de COVID-19, avec un audit du Fonds spécial de solidarité nationale créé en 2020 pour lutter contre la pandémie et ses conséquences socio-économiques. Disposant d’un budget de 180 milliards de francs CFA (soit 327 millions de dollars É.-U.), ce fonds devait servir, entre autres, à l’achat de matériel de protection, de tests, d’ambulances et de médicaments et à la gestion de la mise en quarantaine des voyageurs.

La Chambre des comptes de la Cour suprême révélait dans son rapport intérimaire avoir ciblé deux ministères ayant joué un rôle central dans la réponse officielle à la pandémie de COVID-19 : le ministère de la Santé publique et le ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation. Le rapport mettait en exergue certains manquements, notamment l’opacité dans la passation des marchés, le dépassement de budgets alloués, le détournement de fonds et les surfacturations flagrantes. Selon la Chambre des comptes, Mediline Medical Cameroun (MMC) et Moda Holding Hong Kong (actionnaire de MMC) ont obtenu 90 % des tests rapides COVID-19 achetés et reçu 95 % des crédits engagés pour financer des achats, au détriment de deux autres prestataires locaux ayant pourtant une expérience dans le même domaine. Moda Holding Hong Kong a imputé au ministère de la Santé des coûts de transport non proportionnels aux quantités de tests livrés. Ainsi, ont noté les auditeurs, un test COVID-19 acheté chez MMC coûtait-il 17 500 francs CFA (soit 32 dollars É.-U.) l’unité, soit 10 415 francs CFA (19 dollars É.-U.) plus cher que chez SD Biosensor, une surfacturation qui a fait perdre 14,5 milliards de francs CFA (26,36 millions de dollars É.-U.) à l’État.

Une dizaine de responsables auraient témoigné devant la commission au cours de l’enquête. Des membres de l’opposition politique et des militants des droits de la personne ont exhorté le gouvernement à publier le rapport complet, étant donné en particulier que tous les organismes publics n’avaient pas été évalués dans le cadre du rapport intérimaire. Le 6 avril, la présidence a envoyé au ministère de la Justice un exemplaire du rapport sur les dépenses relatives à la pandémie de COVID-19, ordonnant au ministre d’ouvrir une « enquête judiciaire » sur le détournement de fonds. Le 28 mai, le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, a indiqué que le président Biya demandait à ce que les procédures judiciaires se déroulent au tribunal criminel spécial. Le rapport complet a été publié en décembre, mais en fin d’année, aucune poursuite pénale n’avait été engagée.

En septembre 2020, après plusieurs reports, le procès de l’ancien ministre de la Défense Edgar Alain Mebe Ngo’o a commencé au tribunal criminel spécial. Il était accusé d’avoir détourné 236 milliards de francs CFA (soit 429 millions de dollars É.-U.) dans le cadre de l’achat de matériel militaire pour l’armée camerounaise. Depuis leur arrestation en 2019, sa femme et lui attendaient leur procès à la prison centrale de Kondengui. Fin décembre, le tribunal n’avait pas pris de décision.

Les autorités ont poursuivi l’opération Épervier, qui avait été lancée en 2006 pour lutter contre le détournement de fonds publics. Comme au cours de l’année antérieure, le tribunal criminel spécial (TCS) a engagé, pendant l’année, de nouvelles poursuites pour corruption. La gendarmerie nationale a maintenu une ligne téléphonique gratuite permettant de dénoncer les cas de corruption en son sein.

Dans un rapport sur la lutte contre la corruption publié le 23 septembre, la CONAC a fait état de la perte de près de 18 milliards de francs CFA (soit 32,7 millions de dollars É.-U.) en raison d’actes de corruption en 2020. Le rapport montrait que ce fléau restait répandu dans le pays, identifiant les transports, le régime foncier et les forces de police comme les trois secteurs les plus corrompus du pays et ajoutant que la corruption était généralisée dans les régions du Centre et du Littoral.

Section 5. Position du gouvernement face aux enquêtes internationales et non gouvernementales sur les violations présumées des droits de la personne

Un certain nombre de groupes nationaux et internationaux de défense des droits de la personne ont enquêté sur diverses affaires portant sur les droits de la personne et publié leurs conclusions. Les responsables gouvernementaux se sont montrés en général coopératifs et sensibles à leurs points de vue. Des agents de l’État ont empêché de nombreuses ONG locales de défense des droits de la personne de faire leur travail en harcelant leurs membres, en limitant leur accès aux prisonniers, en refusant de leur communiquer des informations et en menaçant leurs employés de violence. Les autorités n’ont pris aucune mesure pour enquêter sur ces incidents ou pour les prévenir. Le gouvernement a critiqué des rapports d’organisations internationales de défense des droits de la personne en les accusant de publier des accusations sans fondement.

Le 2 août, Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport intitulé Cameroun : Nouveaux abus par des membres des deux camps, accusant les forces gouvernementales de destruction de bâtiments, de viols, d’homicides, d’exécutions de civils et de pillages dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le porte-parole du ministère de la Défense, Cyrille Serge Atonfack Guemo, a répondu en rejetant fermement le rapport comme étant « outrageusement provocateur ». Dans un communiqué en date du 5 août, il déclarait : « Tout semble indiquer clairement que les multiples prises de position de HRW ne visent qu’à discréditer les forces de défense et de sécurité ».

Dans un communiqué de presse en date du 26 août, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a annoncé une enquête portant sur l’enregistrement de toutes les ONG étrangères opérant au Cameroun. Il ordonnait qu’elles déposent tous les documents originaux exigés au ministère avant la fin septembre,

sous la forme d’un dossier comprenant un original de l’acte portant autorisation d’exercer au Cameroun, deux exemplaires des statuts de l’organisation, l’instrument désignant le représentant de l’organisation, une copie certifiée conforme de la carte d’identité nationale ou du passeport du représentant de moins de trois mois, une carte indiquant l’emplacement du siège de l’organisation ou du bureau de son représentant légal accompagnée de son numéro de téléphone permanent, une liste complète des membres du personnel étranger travaillant pour l’organisation avec leur CV et des photocopies certifiées conformes de leur passeport, une liste complète des membres du personnel local accompagnée de leurs contrats de travail, et le programme annuel des activités de l’organisation. Le ministre a ajouté que les organisations étrangères qui n’enverraient pas la documentation requise avant le délai exigé seraient suspendues (voir également la section 2.b., Liberté d’association). En octobre, le ministère de l’Administration territoriale avait assoupli certaines des exigences après une levée de boucliers de la part des organisations de la société civile et des ONG internationales.

Les observateurs voyaient dans la décision du ministre une stratégie d’intimidation des organisations de défense des droits de la personne et éventuellement d’interdictions de celles qui soulignaient les exactions dont se rendaient coupables les pouvoirs publics. Comme l’année précédente, des défenseurs et des militants des droits de la personne ont reçu par téléphone, SMS et courrier électronique des menaces anonymes d’individus soupçonnés d’être affiliés au gouvernement. Cela était particulièrement vrai pour le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique Centrale, cible constante du gouvernement.

Le 21 juillet, l’adjudant-chef Bakoa Jean Oscar, commandant de la brigade de recherche I de Bonanjo, à Douala, a convoqué Maximilienne Chantal Ngo Mbe, directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique Centrale, pour le 9 août. La convocation ne contenait pas de plus amples renseignements sur l’affaire en question, et les autorités ont refusé de préciser les accusations sur lesquelles ils enquêtaient, si tant est qu’il y en eût. Le 13 août, Mme Ngo Mbe a reçu une autre convocation de la légion de gendarmerie pour le 16 août, de nouveau sans raison spécifique ; cependant, il s’agissait d’un jour férié et elle n’a donc pas été tenue de se présenter. Elle a ensuite reçu en novembre une autre convocation pour le 28 décembre devant la police scientifique et de l’identité judiciaire ; cependant, ses avocats ont demandé à repousser la date à février 2022.

Organismes publics de défense des droits de la personne : En 2019, le gouvernement a voté une loi portant création de la Commission camerounaise pour les droits de l’homme (CCDH) pour remplacer la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL). Au cours de l’année, le président a nommé les 15 membres du CCDH, notamment James Mouangue Kobila, ancien vice-président de la CNDHL, comme président, et Raphaël Galega Gana comme vice-président. La CCDH est devenue opérationnelle le 29 août après la prestation de serment de l’équipe. Comme la CNDHL, la CCDH est une institution théoriquement indépendante mais financée par les pouvoirs publics. La loi portant création de la CCDH a élargi son mandat à la protection des droits de la personne. Bien que la CCDH ait coordonné des actions avec des ONG et participé à certaines commissions d’enquête, elle restait sous-financée.

Section 6. Discrimination et violences sociales

Femmes

Viol et violences familiales : La loi criminalise le viol qui est passible de peines de 5 à 10 ans de prison pour ses auteurs jugés coupables. La police et les tribunaux ont rarement instruit les affaires de viol ou poursuivi en justice leurs auteurs, d’autant plus que les rescapés ne dénonçaient souvent pas ces crimes aux autorités. La loi n’aborde pas le viol conjugal et n’interdit pas spécifiquement la violence familiale, bien que les voies de fait soient interdites et passibles de peines de prison et d’amendes.

Au cours de l’année, des personnes associées au gouvernement auraient, selon des accusations, violé des femmes et des mineurs. Les autorités ont enquêté sur certains cas mais nié les signalements dans d’autres. Le 2 août, HRW a signalé que les 8 et 9 juin, des membres des forces de sécurité ont violé une femme de 53 ans dans la région du Nord-Ouest. Les autorités n’ont pas ordonné d’enquête sur ces allégations (voir également les sections 1.a., 1.c. et 1.g.).

Le 29 avril, Yaya Hamza Bamanga, juge d’instruction au tribunal de grande instance du Koung-Khi, à Bandjoun, a inculpé Simon Jean Asso’o, inspecteur haut-placé au sein de la police, de viol aggravé sur une jeune élève (voir également la section 1.c.).

Mutilations génitales féminines/excision (MGF/E) : La loi protège l’intégrité physique des personnes et interdit les mutilations génitales pour toutes les femmes, notamment les filles de moins de 18 ans et les femmes de 18 ans et plus. Les auteurs de ce type de crime risquent une peine de 10 à 20 ans de prison ou encore l’emprisonnement à perpétuité s’ils se livrent habituellement à cette pratique à des fins commerciales ou si elle provoque la mort de la victime. Selon les estimations du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), la prévalence des MGF/E chez les filles âgées de 15 à 19 ans entre 2004 et 2018 était de 0 %. Le 6 février, journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines, la ministre de la Promotion de la femme et de la Famille, Marie Thérèse Obama, a rencontré la communauté musulmane dans le quartier de la briqueterie de Yaoundé pour la sensibiliser au sujet des MGF/E. Si la pratique s’éteignait peu à peu comme en témoignent les statistiques des dix dernières années, la ministre a déclaré penser qu’elle se poursuivait dans certaines régions. Comme l’année précédente, des informations ponctuelles laissaient penser que des mineures auraient subi des MGF/E dans des zones isolées des régions de l’Extrême-Nord, de l’Est et du Sud-Ouest et au sein des groupes ethniques des Choa et des Ejagham.

Autres pratiques traditionnelles néfastes : Il arrivait que des veuves soient mariées de force à l’un des proches du mari décédé, afin d’assurer qu’elles puissent continuer de jouir des biens laissés en héritage, y compris du domicile conjugal. Le gouvernement a inclus dans la loi des dispositions interdisant l’expulsion d’un conjoint du domicile conjugal par toute autre personne que le deuxième conjoint. La pratique des rites de veuvage, selon lesquels les veuves étaient sujettes à certains épreuves, telles que se laver en public ou voir leurs déplacements limités, était aussi répandue dans certaines parties du pays, y compris dans des communautés rurales de la région de l’Ouest.

Harcèlement sexuel : La loi interdit le harcèlement sexuel. Les contrevenants s’exposent à des peines de prison de six mois à un an et à une amende. Si le rescapé est mineur, la peine peut être d’un à trois ans de prison. Si le contrevenant est l’enseignant du rescapé, la peine passe à trois à cinq ans de prison. Malgré ces dispositions juridiques, le harcèlement sexuel était largement répandu et il n’y a pas eu de signalement au cours de l’année indiquant que quiconque aurait été condamné à une amende ou à une peine de prison pour harcèlement sexuel, en partie en raison de la réticence des rescapés de harcèlement sexuel à déposer officiellement plainte de peur des représailles et/ou de la stigmatisation.

Droits génésiques : Il n’a pas été fait état d’avortements ou de stérilisations forcés pratiqués par les autorités gouvernementales.

Le ministère de la Santé publique a mis à la disposition des femmes des services de conseil psychosocial au cours des consultations anténatales, encourageant le concept de parentalité responsable et l’usage de contraceptifs pour espacer les naissances de leurs enfants. Cependant, beaucoup de femmes ne disposaient pas des moyens de gérer leur santé génésique et les pressions sociétales ont continué de renforcer les tabous sur la discussion en matière de santé génésique au sein de certaines communautés. Le fait que les femmes dépendaient du consentement de leur mari a continué à être un obstacle aux décisions en matière de contraception.

Le gouvernement a fourni un appui aux rescapés de violences sexuelles et d’autres formes de violences sexistes par le biais de l’élaboration de politiques visant à protéger les rescapés des violences sexistes, d’aide juridique aux rescapés par le biais du réseau judiciaire, de soins cliniques généraux dispensés dans des établissements de santé, de la collecte de données par le biais du système d’information sanitaire de district et de la mise à disposition d’analyses de la situation. Un grand nombre des programmes de prévention et d’appui de base pour les rescapés des violences sexistes ont été mis en œuvre par des organisations communautaires.

Le ministre de la Santé n’a pas fourni de contraceptifs d’urgence pour ces rescapés. Dans quelques établissements de santé fournissant des services aux rescapés de violences sexistes, le FNUAP a fourni un kit contenant des contraceptifs d’urgence dans le cadre des soins cliniques dispensés après des violences sexistes.

Le FNUAP indiquait que mi-septembre, le taux de prévalence des contraceptifs chez toutes les femmes âgées de 15 à 49 ans quelle que soit leur moyen de contraception était de 27 %, et de 23 % chez les femmes mariées ou en union, et de 22 % et 17 % respectivement chez celles qui utilisaient un moyen de contraception moderne. Les besoins non satisfaits de planification familiale chez l’ensemble des femmes de 15 à 49 ans étaient de 16 %, et de 23 % chez les femmes mariées ou en union. Cependant, l’accès à des services sociaux de base et la disponibilité de ceux-ci, notamment des soins de santé sexuelle et génésique, était fortement limité dans les régions touchées par les conflits, et de nombreuses femmes enceintes n’avaient pas accès à des soins de santé maternelle appropriés.

Le projet de chèque santé de 36 milliards de francs CFA (65,5 millions de dollars É.-U.) lancé en 2015 dans les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord pour contribuer à la réduction de la mortalité maternelle et infantile a été passé en revue le 4 mars. La mortalité maternelle et néonatale a baissé pour atteindre 467 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes et 28 décès néonataux pour 100 000 enfants. Le chèque santé, vendu aux femmes au prix de 6 000 francs CFA (11 dollars É.-U.), leur donnait accès à quatre consultations anténatales, aux échographies, à l’accouchement y compris avec césarienne, à des consultations postnatales et à un séjour de 42 jours après l’accouchement dans un établissement de santé.

Discrimination : La Constitution confère le même statut juridique et les mêmes droits aux femmes et aux hommes. Toutefois, les autorités n’ont souvent pas veillé à l’application de cette loi. Dans la pratique, les femmes ne jouissaient pas des mêmes droits et privilèges que les hommes. Bien que les autorités locales aient déclaré que les femmes avaient accès aux terres dans leurs circonscriptions, la pratique socioculturelle générale qui consiste à priver les femmes de la propriété foncière, surtout par héritage, prévalait dans la plupart des régions du pays. Le gouvernement n’a pas appliqué de politique officielle discriminatoire à l’égard des femmes dans des domaines tels que le divorce, la garde des enfants, l’emploi, le crédit, les salaires, la propriété ou la gestion d’entreprises ou de biens, l’éducation, les procédures judiciaires ou le logement. Il existait des restrictions juridiques à l’emploi des femmes dans certaines professions et certains secteurs. Dans le secteur privé, les femmes étaient moins nombreuses à occuper des postes de responsabilité.

Violences et discriminations raciales ou ethniques systémiques

Dans son préambule, la Constitution établit que « l’État assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi », mais sans mentionner les catégories spécifiques qui correspondent aux minorités ou aux populations autochtones. Les lois et réglementations sur la décentralisation et les élections protègent également les droits des minorités en exigeant que les listes de candidats reflètent le paysage sociologique des circonscriptions ou qu’un maire ou président de conseil régional soit né dans la circonscription. Le gouvernement a pris des mesures pour faire appliquer ces dispositions, mais certaines formes de discrimination et de violence ont persisté.

S’il n’existait pas de rapports fiables de violence ou de discrimination gouvernementale ou sociétale à l’encontre de minorités raciales, ethniques ou nationales, il y a eu pendant l’année des signalements de violences le long des lignes ethniques, même s’il n’était pas clair que l’ethnicité était la principale raison des violences.

Le 8 septembre, à Tonga, dans le département du Ndé, dans la région de l’Ouest, quatre personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées au cours d’échauffourées entre des déplacés internes originaires des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et les communautés bamileke locales. Le conflit aurait commencé avec le meurtre par un déplacé interne anglophone d’un jeune Bamileke accusé de vol. La légion de gendarmerie locale aurait été brûlée au cours des affrontements entre les communautés.

Le 5 décembre, des affrontements entre les groupes ethniques mousgoum et arabes choa concernant le contrôle des ressources hydriques ont éclaté dans le département du Logone-et-Chari, dans la région de l’Extrême-Nord, faisant 22 morts, environ 30 blessés et des dizaines de milliers de déplacés au Tchad, selon le HCR. Des milliers de personnes ont fui au Tchad pour y trouver refuge. Environ 30 autres personnes sont décédées au cours d’affrontements similaires en août.

Populations autochtones

Sur la base des critères d’identification des populations autochtones figurant dans la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail et le Rapport du groupe de travail sur les populations/communautés autochtones de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, les groupes pouvant être considérés comme autochtones au Cameroun sont les Mbororo et les Baka. Selon les estimations, 50 000 à 100 000 Baka, dont des Bakola et Bagyeli, vivaient principalement dans les zones forestières des régions du Sud et de l’Est (dont ils sont les premiers habitants connus). Le gouvernement n’a pas véritablement protégé les droits civils et politiques de ces groupes. Les entreprises d’exploitation forestière ont continué de détruire les forêts naturelles se trouvant sur les terres des autochtones, sans les dédommager. D’autres groupes ethniques méprisaient souvent les Baka et les soumettaient parfois à des pratiques injustes et d’exploitation par le travail. Le gouvernement a poursuivi ses efforts de longue date visant à délivrer des actes de naissance et des cartes nationales d’identité aux Baka. Cependant, la plupart d’entre eux n’avaient pas ces documents et les efforts réalisés pour les contacter se heurtaient à la difficulté d’atteindre leurs habitations situées en pleine forêt.

Selon des signalements crédibles d’ONG, les Mbororo, éleveurs nomades vivant principalement dans les régions du Nord, de l’Est, de l’Adamaoua et du Nord-Ouest, ont continué de faire l’objet de harcèlement, parfois avec la complicité des autorités administratives ou judiciaires. L’Association de développement social et culturel des Mbororo a indiqué que la crise anglophone avait nui à la communauté mbororo. Selon le coordinateur des programmes de l’association, entre janvier et le 14 septembre, dix Mbororos avaient été tués par des séparatistes dans la région du Nord-Ouest. Au cours de la même période, des séparatistes auraient cambriolé 63 foyers, brûlé une maison et enlevé onze personnes pour obtenir des rançons d’un total de 7,61 millions de francs CFA (13 800 dollars É.-U.).

Enfants

Enregistrement des naissances : La citoyenneté est transmise par les parents et non par la naissance sur le territoire national. Il incombe aux parents de déclarer la naissance d’un enfant à l’état civil. Les actes de naissance étaient fournis de manière non discriminatoire, mais étant donné que beaucoup d’enfants ne naissaient pas dans des établissements de santé, de nombreuses naissances n’étaient pas déclarées. Par ailleurs, de nombreux parents rencontraient des problèmes pour se rendre dans les bureaux de l’administration locale. Une étude de diagnostic et l’évaluation complémentaire du système d’état civil menées en 2016 ont conclu que le faible taux d’enregistrement des naissances était dû à une multitude de facteurs, notamment les obstacles administratifs liés, entre autres, au fait que les centres d’état civil ne fonctionnaient pas ou étaient éloignés. En outre, les réglementations en place prévoyant la déclaration et l’enregistrement gratuits des naissances n’étaient pas respectées dans les établissements de santé et les bureaux de l’état civil. La méconnaissance de la loi et des réglementations et l’abandon des populations contribuaient également au taux faible d’enregistrement des naissances. Les enfants ne disposant pas d’actes de naissance ne pouvaient pas s’inscrire aux examens officiels pour rentrer dans le secondaire ou obtenir les documents d’identité légalement requis.

Des directions des affaires civiles se situaient dans la plupart des municipalités de chaque département et, dans de nombreuses zones rurales ou excentrées, dans les centres d’état civil. Dans certaines juridictions, les parents devaient parcourir plus de 25 kilomètres pour trouver un bureau de l’administration civile opérationnel. Les parents avaient jusqu’à 90 jours après la naissance d’un enfant pour l’enregistrer. Passé ce délai, il fallait en faire la demande auprès d’un procureur de la République local. Pour traiter une demande de documents de naissance officiels et les faire authentifier, les frais s’élevaient à 15 000 à 25 000 francs CFA (27 à 46 dollars É.-U.), avec des obstacles bureaucratiques, ce que la plupart des familles des communautés rurales pourraient difficilement se permettre ; de nombreux parents abandonnaient donc le processus dès le début. Les frais d’exécution de jugements sommaires étaient fixés par le président du tribunal et variaient par département et par région.

Selon un rapport publié en mars du ministère de l’Éducation de base, environ 36 % des près de cinq millions d’élèves du primaire inscrits pour l’année scolaire 2020-2021 ne disposaient pas d’acte de naissance. Le 8 mars, le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord, Midjiyawa Barkary, a publié un rapport indiquant que ce chiffre était de 40,6 % dans sa région.

Éducation : La loi dispose que l’enseignement primaire est gratuit et obligatoire jusqu’à l’âge de 12 ans. La loi punit d’une amende les parents qui, disposant de moyens suffisants, refusent de scolariser leurs enfants. Généralement, les élèves étaient censés avoir terminé le cycle primaire à l’âge de 12 ans. Dans le secondaire, ils devaient s’acquitter de frais de scolarité et d’autres droits, qui s’ajoutaient à l’achat des uniformes et des manuels. L’éducation secondaire était de ce fait trop coûteuse pour de nombreux enfants.

En 2019, un rapport d’ONU Femmes a souligné la disparité entre les genres en matière d’éducation, surtout au niveau du secondaire. Selon ce rapport, le taux d’alphabétisme en 2019 était plus bas pour les femmes et les filles (86 %) que pour les hommes et les garçons (97 %).

Au cours de l’année, des séparatistes ont ordonné des boycotts et attaqué des écoles dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest qui ont continué de perturber le fonctionnement normal des écoles. Selon l’ONU, dans ces deux régions, deux écoles sur trois étaient fermées. Plusieurs enseignants ont été tués ou enlevés au cours de l’année. Le 24 novembre, des individus armés soupçonnés d’être des séparatistes ont tué quatre élèves et une enseignante au lycée bilingue public d’Ekondo-Titi, dans la région du Sud-Ouest. Au début de l’année scolaire, le taux de fréquentation scolaire des communautés rurales restait largement inférieur à celui des zones urbaines.

Le 9 janvier, selon des sources crédibles, des séparatistes ont abattu le proviseur d’un lycée d’Ossing, dans l’arrondissement de Mamfé, dans la région du Sud-Ouest. Des signalements au niveau local indiquent qu’il a été agressé et abattu dans son quartier à son retour de l’école. Le 2 février, des séparatistes armés ont fait irruption à Bamessing, dans le département de Ngo-Ketunjia, dans la région du Nord-Ouest, et tué deux civils qu’ils accusaient de traîtrise. Le 8 mars, à Akum, des combattants séparatistes ont attaqué un bus de passagers qui partait de la région du Nord-Ouest, faisant quatre morts et plusieurs blessés.

L’UNICEF a signalé que le 6 juin, des membres d’un groupe armé ont attaqué un centre religieux à Mamfé, dans la région du Sud-Ouest, tuant un garçon de 12 ans et blessant un jeune de 16 ans.

Maltraitance d’enfants : La loi interdit les diverses formes de maltraitance d’enfants, y compris mais sans s’y limiter l’agression physique, l’indécence, l’enlèvement, le travail forcé, le viol, le harcèlement sexuel et l’opacité parentale (définie comme la situation dans laquelle l’un des parents refuse de révéler à l’enfant l’identité de l’autre parent). Malgré ces dispositions juridiques, la maltraitance d’enfants demeurait un problème. Les enfants ont continué de subir des châtiments corporels tant au sein de leur famille qu’en milieu scolaire. Boko Haram a continué d’enlever des enfants pour les employer comme enfants soldats ou kamikazes (voir la section 1.g.), et des adultes, notamment des personnes associées au gouvernement, se sont rendus coupables d’agressions sexuelles d’enfants.

Selon un article publié le 21 juin dans le quotidien La Nouvelle Expression, environ 30 affaires de viol de mineur avaient été enregistrées dans le pays en 17 mois. L’article suivait une enquête effectuée par Griote TV à l’occasion de la Journée de l’enfant africain. Les auteurs indiquaient avoir identifié, entre janvier et mai, au moins trente cas de violences sexuelles sur des mineurs âgés de trois à treize ans et qu’après enquête et discussions avec les familles, il apparaissait clairement que la plupart de ces agressions sexuelles impliquaient des membres des forces de sécurité gouvernementales.

Au 2 juillet, l’Association pour le développement économique et la gouvernance locale (ADEGEL), établie dans la région de l’Ouest, a indiqué avoir consigné 76 cas de violences physiques par des hommes contre des jeunes filles âgées de 12 à 14 ans dans le département du Noun, dont 34 à Foumbot et 42 à Kouoptamo. L’association soulignait le cas d’une adolescente de 13 ans violée mi-avril par une bande de cinq hommes. En raison des blessures dues aux sévices, la rescapée a dû subir des opérations chirurgicales réparatrices avec l’aide de l’association. L’association travaillait à la création d’un dossier pour l’envoyer au bureau du procureur, mais en octobre, elle n’avait pas pu identifier les agresseurs.

Mariage d’enfants, mariage précoce et mariage forcé : L’âge minimum légal du mariage est de 18 ans. Malgré la législation, selon les données de l’UNICEF de 2018 sur le mariage des enfants, 31 % des femmes de 20 à 24 ans ont été mariées avant d’avoir 18 ans et parmi celles-ci, 11 % avant l’âge de 15 ans. Les mariages précoces et forcés, de même que les « mariages temporaires » abusifs, étaient plus fréquents dans la partie nord du pays et dans certaines parties de la région de l’Ouest, surtout dans le département du Noun. L’ADEGEL a déclaré qu’au 2 juillet, elle avait consigné 12 cas de mariage forcé à Foumbot et demandé au tribunal de première instance d’annuler ces mariages. Cependant, en mars, le tribunal a été incendié à la suite du décès d’un prisonnier et les dossiers ont été entièrement détruits.

Servitas Cameroon, organisation à but non lucratif dont le but est de soutenir et d’habiliter les femmes et les jeunes filles, a consigné le cas d’une adolescente de 13 ans mariée de force à un homme plus de quatre fois plus âgé qu’elle à l’époque. Elle a subi huit ans de violences et d’isolement au cours desquels elle a donné naissance à trois enfants avant ses 18 ans, âge auquel un acte de mariage a été délivré. Un consortium d’organisations de la société civile, dont Servitas et le Women’s Counseling and Information Center, est venu en aide à la rescapée. Le consortium a indiqué avoir intenté une action en justice afin de faire annuler le mariage, et l’affaire était en attente devant le Tribunal de grande instance du Wouri.

Exploitation sexuelle des enfants : La loi interdit l’exploitation sexuelle commerciale des enfants, leur vente, leur offre ou leur racolage à des fins de traite sexuelle et les pratiques liées à la pédopornographie. Le cadre juridique du pays exige l’usage de la force, de la fraude ou de la contrainte pour qu’une infraction soit qualifiée de traite des mineurs à des fins sexuelles ; ainsi, la loi ne criminalise pas toutes les formes de traite des mineurs à des fins sexuelles. La loi ne fixe pas l’âge minimum du consentement. Selon des rapports ponctuels, des trafiquants ont exploité des mineurs de moins de 18 ans à des fins de traite sexuelle, mais les chiffres n’étaient pas disponibles. Des signalements ponctuels semblaient indiquer que la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avait contribué à une augmentation vertigineuse de la traite à des fins sexuelles et des grossesses précoces, surtout dans les zones où se trouvaient des déplacés internes. Des rapports laissaient entendre que le quartier Bonabéri de Douala était une plaque tournante de l’exploitation sexuelle des déplacées internes mineures.

Enfants déplacés : De nombreux enfants déplacés vivaient toujours dans les rues des principales agglomérations urbaines, bien que leur nombre soit en diminution en raison de strictes mesures de sécurité et d’une loi qui criminalise le vagabondage. Selon des estimations de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), il y avait en 2020 environ 2 170 mineurs séparés de leurs parents et 1 790 mineurs non accompagnés dans la région de l’Extrême-Nord (Rapport d’évaluation des besoins multisectoriels [MSNA], décembre 2020, OIM), notamment des déplacés internes, des rapatriés, des réfugiés résidant hors des camps et d’autres migrants (voir également les sections 2.e. et 2.f.). Au cours de l’année, sur les 3 369 ménages sondés, 5 % des 18 000 mineurs étaient soit séparés de leurs parents, soit non accompagnés (Enquête sur les intentions de retour, novembre 2021, IOM). Ces enfants faisaient face à de nombreux obstacles, notamment un accès limité à l’éducation, à la santé et aux services de protection.

Des milliers d’enfants ont été touchés par la crise humanitaire sévissant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ces enfants subissaient de graves atteintes à leurs droits perpétrées par les forces armées et par des acteurs non étatiques armés. Selon le Rapport d’évaluation des besoins multisectoriels du mois d’août, il y avait parmi les déplacés environ 769 enfants non accompagnés et 8 320 enfants séparés de leurs parents dans les régions du Nord-Ouest du Sud-Ouest. Ils faisaient face à de nombreux problèmes, notamment un accès limité à l’éducation, à la santé, aux services de protection et au risque de recrutement par des groupes armés. Le gouvernement n’avait pas mis en place de structures pour assurer la protection des enfants déplacés internes contre le recrutement par des groupes armés non étatiques et des organisations terroristes.

Enlèvements internationaux d’enfants : Le pays n’est pas partie à la Convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Veuillez consulter le rapport du département d’État intitulé Annual Report on International Parental Child Abduction (Rapport annuel sur les enlèvements parentaux internationaux d’enfants – en anglais seulement) à l’adresse suivante : https://travel.state.gov/content/travel/en/International-Parental-Child-Abduction/for-providers/legal-reports-and-data/reported-cases.html.

Antisémitisme

La communauté juive était extrêmement réduite et aucun acte antisémite n’a été signalé.

Traite des personnes

Veuillez consulter le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : https://www.state.gov/trafficking-in-persons-report/.

Personnes en situation de handicap

Les personnes en situation de handicap ne pouvaient pas avoir accès à l’éducation, aux services de santé, aux bâtiments publics et aux transports sur un pied d’égalité avec les autres. Une loi de 2010 accorde des protections supplémentaires aux personnes en situation de handicap physique, sensoriel, intellectuel ou mental. Ces protections prévues par la loi concernent l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle, à l’emploi, aux services de santé, à l’information et aux activités culturelles, aux communications, aux bâtiments, aux sports et loisirs, aux transports, au logement et à d’autres services de l’État. Certains projets d’infrastructure ont été rendus accessibles aux personnes à mobilité réduite. L’enseignement public est gratuit pour les personnes en situation de handicap et pour les enfants nés de parents en situation de handicap. La formation professionnelle initiale, les traitements médicaux et l’emploi doivent être fournis « dans la mesure du possible » ; l’aide sociale doit l’être « en cas de besoin ». Le gouvernement n’a pas veillé efficacement à l’application de ces dispositions.

Le gouvernement n’a pas fourni d’informations et de communications publiques dans des formats accessibles.

La Constitution protège les droits de toutes les personnes, y compris de celles en situation de handicap. Il n’a pas été signalé de cas où la police ou d’autres fonctionnaires de l’État auraient incité à la violence, commis des violences ou approuvé le recours à la violence à l’égard de personnes porteuses de handicap durant l’année.

De nombreux enfants en situation de handicap étaient scolarisés avec d’autres enfants non porteurs de handicap. Le gouvernement a instauré une éducation inclusive dans de nombreux établissements et il a révisé le programme d’enseignement des écoles normales d’enseignants pour y inclure une formation à la pédagogie inclusive. D’autres enfants porteurs de handicaps ont continué de fréquenter des établissements d’enseignement distincts tels que l’Institut de réhabilitation des jeunes aveugles et malvoyants de Buéa et l’École spécialisée pour les enfants déficients auditifs de Yaoundé.

Les personnes en situation de handicap n’ont pas été suffisamment protégées dans les zones de conflit.

Stigmatisation sociale liée au VIH et au sida

Les personnes vivant avec le VIH ont souvent souffert de discrimination sociale et ont été ostracisées par leur famille et la société, en partie du fait du manque d’éducation concernant la maladie. Comme l’année précédente, bien qu’il n’y ait pas eu de cas spécifiques de discrimination à relever en matière d’emploi, il a été signalé de façon ponctuelle qu’une certaine discrimination s’exerçait en rapport avec la séropositivité, tout particulièrement dans le secteur privé.

Actes de violence, criminalisation et autres violations basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

Le 12 février, un représentant de Working for Our Wellbeing (WFW), organisation basée à Douala qui travaille sur des sujets relatifs à la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, queer et intersexe (LGBTQI+), a signalé l’arrestation par les autorités de six personnes LGBTQI+, notamment quatre femmes transgenres, entre novembre 2020 et le 8 février. Deux d’entre elles, Mildred Loic Njeuken, connue sous le nom de Shakiro, et Roland Moute, connue sous le nom de Patricia, avaient été arrêtées ensemble le 8 février. Selon le rapport de WFW, toutes ont subi pendant leur incarcération à la prison de New Bell, à Douala, différents niveaux de sévices physiques, de harcèlement et de menaces de violence sexuelle de la part des prisonniers et des gardes. Les accusations contre toutes ces personnes ont été abandonnées, sauf celles contre Shakiro et Patricia, qui ont été reconnues coupables en mai de tentative de conduite homosexuelle et de non-possession de leur carte d’identité et condamnées à cinq ans de prison. Elles ont été libérées sous caution en juillet ; en décembre, l’affaire était devant la cour d’appel de Bonanjo. Le 7 août, un groupe de jeunes hommes a violemment agressé Shakiro et Patricia après leur libération sous caution dans l’attente d’un appel mi-juillet. Des images et des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montraient un groupe de jeunes hommes en train d’attaquer violemment et de déshabiller dans la rue les deux rescapées. Après son arrivée sur les lieux de l’incident, la police n’aurait pas officiellement consigné l’agression dans un rapport formel, mais elle aurait escorté les deux victimes à l’hôpital.

Dans un rapport du 1er juillet sur les violences sexistes, Alternatives-Cameroun a consigné le cas d’un homme de 33 ans détenu illégalement à la prison centrale de New Bell, située à Douala. Selon le rapport, le 24 janvier, des habitants de son quartier de Douala ont accusé l’homme d’homosexualité, l’ont passé à tabac et ont appelé le commissariat de police du 10e arrondissement de Douala. Des policiers sont arrivés, ont arrêté l’homme accusé d’homosexualité et l’ont placé en garde à vue pendant moins de 24 heures avant de le transférer à la prison centrale de New Bell, où il a passé trois mois sans comparaître devant un tribunal. Le rescapé a perdu son emploi et a été expulsé de chez lui.

Les rapports sexuels consentis entre adultes de même sexe sont illégaux et passibles de peines de prison de six mois à cinq ans assorties d’une amende.

Les organisations de défense des droits des personnes LGBTQI+, dont la Cameroonian Foundation for AIDS, Humanity First – Cameroon, Alternatives-Cameroun, l’Observatoire national des droits des personnes LGBTQI+ et de leurs défenseurs, Colibri et Working for Our Wellbeing, entre autres, ont continué de faire état d’arrestations arbitraires de personnes LGBTQI+. Les personnes LGBTQI+ ont continué d’être confrontées à un opprobre, des violences et une discrimination importants de la part de leurs familles, de leurs communautés et du gouvernement.

Dans un cas souligné dans le rapport d’avril de HRW, le 24 février, des policiers ont fait une descente dans le bureau de Colibri, une organisation de santé et de défense des droits de la personne fournissant des services de traitement et de prévention du VIH à Bafoussam, dans la région de l’Ouest. Les autorités ont arrêté 13 personnes pour tentative d’homosexualité, dont sept au sein du personnel de Colibri. La police les a toutes libérées entre le 26 et le 27 février. Trois de celles qui ont été arrêtées ont déclaré que la police avait passé à tabac au moins trois membres du personnel de Colibri au poste de police et menacé toutes les personnes arrêtées. Elles ont aussi dit que la police les avait interrogées en l’absence d’un avocat et les avait forcées à signer des procès-verbaux sans les lire auparavant. L’une d’elles, une femme transgenre de 22 ans, a déclaré : « La police nous a dit que nous étions le diable, que nous n’étions pas humains, pas normaux. Ils ont frappé une femme transgenre […] devant moi. » La police a également forcé l’une des 13 personnes arrêtées, une femme transgenre de 26 ans, à se soumettre à un test de dépistage du VIH et un examen anal dans un établissement de santé à Bafoussam, le 25 février. Elle aurait déclaré à HRW que « le médecin était gêné, mais a dit qu’il devait faire l’examen parce que le procureur en avait besoin ».

Le 14 avril, HRW a rapporté que les forces de sécurité avaient, depuis février, arrêté arbitrairement, battu ou menacé au moins 24 personnes, dont un garçon de 17 ans, pour relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe et non-conformité de genre. HRW a dit avoir interviewé, entre le 17 février et le 8 avril, 18 personnes, dont cinq ayant été détenues, trois avocats et dix membres d’ONG de défense des personnes LGBTQI+ en lien avec cette affaire.

La Constitution prévoit l’égalité des droits de tous les citoyens mais la loi n’interdit pas de façon explicite la discrimination à l’égard des personnes LGBTQI+ dans le logement, l’emploi, la nationalité et l’accès aux services publics tels que la santé. Les forces de sécurité ont parfois harcelé des personnes sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre perçues, notamment des particuliers trouvés en possession de préservatifs et de lubrifiants. La crainte d’être identifiés dissuadait les particuliers de recourir aux services de prise en charge du VIH-sida ; plusieurs hommes séropositifs qui avaient des relations sexuelles avec des hommes auraient également eu des partenaires féminines, en partie pour dissimuler leur orientation sexuelle. Des informations ponctuelles semblaient indiquer qu’une certaine discrimination à l’égard de l’orientation sexuelle se produisait au travail.

Les organisations LGBTQI+ ne pouvaient pas être enregistrées officiellement en tant que telles et cherchaient à se faire reconnaître comme organisations de défense des droits de la personne en général ou axées sur les questions de santé. De nombreuses organisations LGBTQI+ se sont aperçues que gérer des programmes dans le domaine de la santé, notamment sur le VIH, les protégeaient des risques de harcèlement ou de fermeture, ce qui ne serait sans doute pas le cas si elles s’étaient fixé comme mission première le plaidoyer en faveur des personnes LGBTQI+.

Selon plusieurs rapports, le 15 novembre, une personne intersexe a été victime d’une agression sexuelle et d’un lynchage public par une foule violente. L’agression, qui a duré plusieurs heures, a été filmée puis publiée sur les réseaux sociaux. Dans un communiqué de presse le 26 novembre, le ministre de la Communication a condamné la publication de vidéos explicites, ajoutant que si l’homosexualité était contraire à la loi, la violence contre les personnes soupçonnées d’homosexualité l’était également. Un homme qui aurait été lié à l’agression a été arrêté et relâché 48 heures plus tard. Une plainte a été enregistrée auprès de la police au nom de la victime.

Autres formes de violence ou de discrimination sociétale

Il a été rapporté plusieurs cas d’actes et d’incendies criminels commis par des groupes d’autodéfense, notamment des exécutions arbitraires et la destruction de biens publics et privés. Selon plusieurs sources médiatiques, le corps mutilé de Fouodji Flaubert, personne atteinte d’albinisme disparue quelques jours auparavant, a été retrouvé mort le 29 août dans le quartier Djeleng 2 de Bafoussam, dans la région de l’Ouest. La Nouvelle Expression a rapporté le 1er septembre que selon des responsables du commissariat de police du 1er arrondissement de Bafoussam, il manquait certains organes sur le corps de M. Fouodji. Marie Madeleine Waffo, présidente de l’Association des femmes albinos du Cameroun, a déclaré en avril et en mai qu’elle avait reçu des informations de personnes non identifiées indiquant vouloir enlever des albinos à Bafoussam. Elle aurait transmis ces informations au ministre des Affaires sociales, qui s’est engagé à prendre certaines précautions au niveau du ministère pour protéger ses citoyens.

Section 7. Droits des travailleurs

a. Liberté d’association et droit à la négociation collective

La loi autorise les travailleurs à former des syndicats indépendants et à y adhérer, à mener des négociations collectives et à faire grève, quoiqu’avec d’importantes restrictions. Ce droit ne s’applique pas à certaines catégories précises de salariés, telles que le personnel de la défense et de la sécurité nationale, les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et le personnel des instances judiciaires et juridiques. La loi interdit aussi la discrimination antisyndicale et exige la réintégration des employés licenciés pour activités syndicales. Des prescriptions légales et d’autres pratiques ont nettement restreint l’exercice de ces droits. La loi n’autorise pas la création de syndicats réunissant à la fois des travailleurs du secteur public et du secteur privé, ni celle de syndicats de secteurs d’activités différents, même s’ils sont étroitement liés. La loi exige que les syndicats s’enregistrent auprès du gouvernement, qu’ils aient au moins 20 adhérents et qu’ils officialisent leur organisation en déposant une constitution et des statuts. Les membres fondateurs doivent également avoir un casier judiciaire vierge. Les salariés qui constituent un syndicat et mènent des activités syndicales sans que leur organisation soit enregistrée s’exposent à des amendes. Il existait plus de 100 syndicats et 12 confédérations syndicales, dont une confédération du secteur public. Les syndicats ou associations de fonctionnaires ne sont pas autorisés à adhérer à une organisation professionnelle ou syndicale étrangère sans la permission préalable du ministre de l’Administration territoriale, chargé du « contrôle des libertés publiques ».

La Constitution et la loi garantissent le droit à la négociation collective entre les travailleurs et la direction ainsi qu’entre les fédérations syndicales et les associations professionnelles dans tous les secteurs de l’économie. La loi ne s’applique pas aux secteurs agricole ou informel, dans lesquels travaille la majorité de la population active.

Il n’est possible d’appeler légalement à la grève ou au lock-out que lorsque toutes les procédures d’arbitrage et de médiation sont épuisées. Les travailleurs qui ne se conforment pas aux procédures d’organisation d’une grève légale peuvent être licenciés ou sanctionnés d’une amende. Les zones franches industrielles sont soumises à certaines lois du travail mais il existe plusieurs exceptions. Les employeurs ont le droit de déterminer les salaires en fonction de la productivité, de négocier librement les contrats de travail et de délivrer automatiquement des permis de travail aux travailleurs étrangers. Certaines lois censées viser les terroristes peuvent imposer des sanctions juridiques sévères aux activités syndicales légitimes.

Les pouvoirs publics et les employeurs n’ont pas appliqué de manière efficace les lois en vigueur relatives à la liberté d’association et au droit à la négociation collective. Les sanctions frappant les contrevenants étaient rarement appliquées et n’étaient pas à la mesure de celles prescrites pour des infractions comparables. Les procédures judiciaires administratives ont été rares et sujettes à de longs retards et appels.

Les conventions collectives sont contraignantes jusqu’à trois mois après la notification par une partie à l’autre de son intention d’y mettre fin. Comme l’année précédente, il n’a pas été rapporté d’accusations selon lesquelles le ministre du Travail et de la Sécurité sociale négociait des conventions collectives avec des dirigeants syndicaux extérieurs aux secteurs concernés et n’associait pas aux négociations les confédérations syndicales qui avaient établi les projets d’accords.

De nombreux employeurs ont continué de recourir à des sous-traitants pour éviter d’embaucher des salariés qui jouiraient du droit de négociation collective. Selon des travailleurs de la compagnie d’électricité Energy of Cameroon, de la Camerounaise des Eaux, du producteur de ciment Cimencam, de Guinness, d’Aluminum Smelter, de la Cameroon Oil Transportation Company, d’Ecobank et de beaucoup d’autres, les grandes entreprises, y compris les entreprises quasi publiques ou gérées par l’État, se livreraient à cette pratique. L’externalisation concernerait toutes les catégories de personnel, des niveaux les plus subalternes aux plus hauts dans la hiérarchie. Par conséquent, les travailleurs ayant un niveau égal de compétences et d’expérience n’ont pas toujours bénéficié des mêmes protections au sein d’une même entreprise ; les sous-traitants n’étaient notamment pas légalement habilités à déposer des plaintes.

En 2020, des délégués du personnel avaient déclaré que certains travailleurs avaient été mis au chômage technique en raison de la pandémie de COVID-19, dont la plupart des entreprises ont lourdement pâti. Plusieurs grèves ont été annoncées. Certaines ont été annulées après l’aboutissement des négociations ; d’autres se sont déroulées dans le calme tandis que d’autres encore ont fait l’objet d’une certaine répression.

Le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES) a appelé ses membres à interrompre leurs cours du 25 au 30 janvier. Les professeurs d’université revendiquaient le paiement de la quatrième tranche de la prime de modernisation et de recherche, créée en 2009. Ils contestaient également la nouvelle méthode d’évaluation des étudiants de licence, en particulier l’introduction de QCM, qu’ils jugeaient inadéquate. Dans un entretien publié sur YouTube, Jeannette Wogaing Fotso, Secrétaire à la presse et à la communication du SYNES, a reconnu que les autorités avaient commencé à faire des versements, mais elle a déclaré que le syndicat continuerait de s’assurer que tous les enseignants reçoivent les allocations dues.

Le 10 juin, les dirigeants des syndicats nationaux de transporteurs camerounais ont déposé un préavis de grève pour le 12 juillet. Selon eux, les chauffeurs de moto-taxis ne disposaient pas de la couverture d’assurance suffisante pour compenser les dommages causés à leurs véhicules lors d’accidents. Les syndicats protestaient aussi contre l’augmentation de la prime d’assurance taxi de 40 000 à 60 000 francs CFA (soit 73 à 109 dollars É.-U.). Par ailleurs, ils dénonçaient le fait que les bus urbains soient soumis aux mêmes taxes que les bus interurbains. Après une série de discussions au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, les dirigeants syndicaux ont suspendu la grève pour accorder au gouvernement davantage de temps pour régler les problèmes.

Le Syndicat des transporteurs en général du Cameroun (SGTC) a également annoncé une grève sur le transport de marchandises par camion à compter du 6 septembre. Les camionneurs protestaient contre le paiement de charges qu’ils considéraient illégales.

Le 22 septembre, au cours des 28e et 29e sessions du Comité de concertation et de suivi du dialogue social, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale a annoncé que 102 000 travailleurs avaient perdu leur emploi en raison de la pandémie de COVID-19. Le ministre a invité les partenaires sociaux à lui faire des propositions d’usage des fonds consacrés à la pandémie de COVID-19 afin de limiter les effets du coronavirus dans le monde du travail.

b. Interdiction du travail forcé ou obligatoire

La Constitution et la loi interdisent toutes les formes de travail forcé ou obligatoire. La loi interdit l’esclavage, l’exploitation et la servitude pour dettes et frappe de nullité tout accord obtenu sous la violence. Les sanctions frappant les contrevenants étaient à la mesure de celles prescrites pour d’autres infractions graves. La loi étend également la culpabilité de toutes les infractions aux complices et aux personnes morales. Malgré la sévérité de ces peines, le gouvernement n’a pas appliqué la loi de manière efficace, en partie par manque de capacité à enquêter sur la traite des personnes, faute de ressources nécessaires aux inspections du travail et à l’application de mesures correctives, et en raison de l’amalgame fréquent entre traite des personnes et trafic de migrants. En outre, étant donné la durée et le coût des procès criminels et le manque de protection disponible pour les victimes participant aux enquêtes, nombreuses étaient les victimes de travail forcé ou obligatoire qui optaient pour un règlement à l’amiable. Des informations anecdotiques ont fait état de servitude héréditaire imposée à d’anciens esclaves dans certaines chefferies de la région du Nord. De nombreux Kirdis, groupe ethnique très majoritairement chrétien et animiste réduit en esclavage par les Peuls musulmans au XIXe siècle, continuaient de travailler pour des chefs peuls traditionnels contre rémunération, hébergement, nourriture et un salaire généralement faible et non réglementé, tandis que leurs enfants étaient libres de faire leurs études et de travailler dans le secteur de leur choix. Les Kirdis étaient également tenus de payer des impôts aux chefferies peules locales, comme l’étaient tous les autres sujets. Les bas salaires associés à des impôts élevés (bien que licites) constituaient en fait une forme de travail forcé. Théoriquement libres de s’en aller, de nombreux Kirdis restaient dans ce système hiérarchique et autoritaire parce qu’ils n’avaient pas d’autres possibilités viables.

Des informations ponctuelles semblaient indiquer que dans les régions du Sud et de l’Est, certains Baka, dont des enfants, ont continué d’être soumis à des pratiques d’emploi injustes de la part d’agriculteurs bantous, qui les exploitaient en les embauchant pour des salaires dérisoires durant les saisons des récoltes.

Veuillez consulter également le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : https://www.state.gov/trafficking-in-persons-report/.

c. Interdiction du travail des enfants et âge minimum d’admission à l’emploi

La loi interdit la plupart des pires formes du travail des enfants et fixe à 14 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi. La loi interdit le travail des enfants de nuit ou durant plus de huit heures par jour. Elle définit également les tâches que les mineurs de moins de 18 ans ne sont pas autorisés à effectuer, dont le déplacement de lourdes charges, les travaux dangereux et insalubres, le travail dans des lieux confinés et les rapports sexuels monnayés. Les employeurs sont tenus de dispenser une formation aux mineurs de 14 à 18 ans. La scolarité obligatoire se terminant à 12 ans, les enfants non scolarisés et n’ayant pas encore 14 ans sont particulièrement vulnérables au travail des enfants. En outre, les lois relatives aux travaux dangereux pour les enfants de moins de 18 ans ne sont pas exhaustives car elles n’interdisent pas le travail sous l’eau ou à des hauteurs dangereuses. Des enfants effectuaient des travaux agricoles dangereux, notamment dans la production de cacao. La loi prévoit des sanctions allant de l’imposition d’amendes à des peines de prison pour les contrevenants aux dispositions relatives au travail des enfants. Ces sanctions étaient à la mesure de celles prescrites pour des infractions comparables, comme les enlèvements.

Les enfants n’ayant pas atteint l’âge minimum d’admission à l’emploi avaient tendance à travailler dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche, de l’élevage et des services, ainsi que dans l’industrie du sexe et les mines d’or artisanales. Les enfants des camps de réfugiés ou de déplacés internes étaient particulièrement vulnérables aux pires formes de travail des enfants, notamment l’exploitation sexuelle commerciale. Des signalements indiquaient également que certains enfants déplacés internes en raison de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest étaient exploités dans les travaux agricoles et que les enfants qui s’échappaient de mariages d’enfants ou précoces étaient souvent des rescapés de situations d’exploitation sexuelle, surtout dans le département du Noun, dans la région de l’Ouest. Il a été signalé des cas de mineurs associés avec des groupes armés non étatiques dans les régions de l’Extrême-Nord, du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Dans l’agriculture, des enfants étaient exposés à des situations dangereuses, amenés à grimper dans les arbres et à manipuler de lourdes charges, des machettes et des produits chimiques agricoles. Les enfants qui travaillaient dans les mines d’or artisanales et les carrières de gravier passaient de longues heures à remplir et transporter des brouettes de sable ou de gravier, à casser des pierres sans protection oculaire, à creuser et à laver de la terre ou de la boue, parfois dans de l’eau stagnante, afin d’extraire des minéraux. Ces activités rendaient les enfants vulnérables aux blessures, aux maladies transmises par l’eau et à l’exposition au mercure. Souvent avec des membres de leur famille, et non pour des employeurs officiels, des enfants ont travaillé comme vendeurs ambulants, ainsi que dans la pêche, où ils étaient exposés à des situations dangereuses. Des enfants placés comme talibés dans les écoles coraniques étaient soumis à la mendicité forcée.

Des enfants ont été exploités par des trafiquants comme domestiques, dans les restaurants, dans la mendicité ou la vente dans les rues ou sur les routes. Par ailleurs, des malfaiteurs forçaient des enfants à travailler dans l’orpaillage, les carrières de gravier, la pêche, l’élevage et l’agriculture (dans les champs d’oignons et les plantations de coton, de thé et de cacao), ainsi que dans les transports urbains pour aider les chauffeurs d’autobus, et dans le bâtiment comme garçons de courses, ouvriers ou veilleurs de nuit. D’après les médias, l’exploitation dans le secteur de la pêche était répandue au Cameroun. Des groupes extrémistes, comme Boko Haram, ont forcé des enfants à servir d’éclaireurs, de porteurs et de cuisiniers.

Veuillez consulter également les Conclusions du département du Travail sur les pires formes de travail des enfants à l’adresse suivante : https://www.dol.gov/agencies/ilab/resources/reports/child-labor/findings.

d. Discrimination en matière d’emploi et de profession

La loi ne contient pas de dispositions particulières interdisant la discrimination ou de sanctions en la matière, mais la Constitution énonce dans son préambule que toutes les personnes ont des droits et des devoirs égaux et que chacun et chacune a le droit et l’obligation de travailler.

Des cas de discrimination dans l’emploi et la profession sur la base de l’ethnie, de la séropositivité au VIH, du handicap, du genre, de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre ont été relevés, surtout dans le secteur privé. Il existait des restrictions juridiques au travail des femmes dans des emplois jugés pénibles ou « moralement inappropriés » et dans différents secteurs, notamment l’extraction minière, le bâtiment, l’énergie et certaines usines. En affaires, nombreux étaient ceux qui accordaient un traitement de faveur aux membres de leur groupe ethnique. Les personnes en situation de handicap ont souvent éprouvé des difficultés à trouver un emploi. Aucune source fiable n’a signalé de cas de discrimination à l’égard de travailleurs migrants internes ou étrangers, bien que des informations anecdotiques aient indiqué que ces travailleurs risquaient de subir des conditions de travail déloyales. Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour éliminer ou prévenir la discrimination et il ne tenait aucun dossier sur les incidents de discrimination.

Des signalements crédibles de discrimination à l’encontre de travailleurs présentant des handicaps ont persisté. Ainsi, Éric Michel Bonfeu, malvoyant et défenseur des droits des personnes en situation de handicap, s’est-il plaint auprès du président que malgré ses qualifications et la législation sur la lutte contre la discrimination, de nombreuses sociétés publiques et privées refusaient de l’embaucher en raison de sa déficience visuelle.

e. Conditions de travail acceptables

Lois relatives aux salaires et au temps de travail : Dans tous les secteurs, le salaire minimum était supérieur au seuil de pauvreté défini par la Banque mondiale. Les heures supplémentaires étaient rémunérées de 120 à 150 % du tarif horaire normal, en fonction de leur nombre et selon si les heures sont effectuées le week-end ou tard dans la soirée. Malgré la loi sur le salaire minimum, les employeurs négociaient souvent des salaires inférieurs avec les salariés, en partie en raison du taux extrêmement élevé de sous-emploi dans le pays. Les salaires inférieurs au salaire minimum sont restés courants dans le secteur des travaux publics, qui employait de nombreux ouvriers non qualifiés, ainsi que dans le travail domestique, dans lequel les femmes réfugiées étaient particulièrement exposées au risque de pratiques de travail non équitables.

La loi fixe la semaine de travail à 40 heures dans les entreprises publiques et privées non agricoles, et à 2 400 heures par an, avec un maximum de 48 heures par semaine, dans l’agriculture et les secteurs connexes. Elle prévoit des exceptions pour les gardes et les pompiers (56 heures par semaine), les employés du secteur des services (45 heures par semaine), et le personnel de maison et de restaurant (54 heures par semaine). La loi exige un repos hebdomadaire minimum d’au moins 24 heures consécutives.

Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale est chargé de l’application des normes relatives au salaire minimum et aux heures de travail, mais il n’a pas appliqué la loi. Les sanctions frappant les contrevenants n’étaient pas à la mesure de celles prescrites pour des infractions comparables, telles que la négligence. Le gouvernement a multiplié par plus de deux le nombre total d’inspecteurs du travail, mais ils étaient toujours en nombre insuffisant et le ministère ne disposait pas de ressources suffisantes pour mettre en œuvre un programme d’inspection complet.

Santé et sécurité au travail : Le gouvernement fixe les normes en matière de santé et de sécurité au travail. Le ministre chargé des questions de travail dresse la liste des maladies professionnelles en consultation avec la Commission nationale de santé et de sécurité au travail. Les inspecteurs du ministère et les médecins du travail sont chargés de veiller au respect des normes relatives à la santé et à la sécurité.

Les dispositions réglementaires n’étaient pas appliquées dans le secteur informel. Le Code du travail dispose également que toute entreprise et tout établissement de quelque nature que ce soit doit mettre à la disposition de son personnel des services médicaux et sanitaires. Cette disposition n’était pas appliquée non plus.

Secteur informel : Selon les estimations de l’Organisation internationale du travail de décembre 2020, la situation de l’emploi dans le pays se caractérisait par la taille importante de son économie informelle et les travailleurs du secteur informel, qui représentait 90 % de l’ensemble des employés, étaient principalement des femmes. L’exploitation minière artisanale, les petits commerces, la chasse, la pêche et l’artisanat comptaient parmi les secteurs où l’emploi informel était le plus répandu. L’essentiel de l’économie informelle n’était pas réglementé.